Wobbler n'est pas ce que l'on pourrait appeler un groupe très productif. Mais chacun de ses albums s'est inscrit dans la liste des meilleurs albums de l'année de leur parution. À ne pas en douter le petit dernier «From Silence to Somewhere» ne fera pas exception!
T.I.: Il s'est écoulé six années entre la parution de «Rites of Dawn» et celle de «From Silence to Somewhere». Comme je vous connais vous n'êtes pas demeurés inactif durant ces années. Outre le plus récent album de White Willow vous avez aussi contribué à plusieurs autres albums dont le premier de Weserbergland.
Lars Fredrick Froislie: Oui durant cette période j'ai composé des trames sonores de films et produit des albums pour d'autres artistes. Mais j'ai aussi joué des claviers sur plusieurs albums de divers groupes. Bien sûr il y a eu White Willow mais j'ai aussi contribué à des albums de Three Winters, Tusmorke, Haakon Ellingsen, le groupe suédois Shining, Finn Coren etc.. J'ai mon studio d'enregistrement dans mon sous-sol avec tous mes claviers, une batterie et d'autres instruments. Je n'ai donc qu'à m'installer, me brancher, jouer et enregistrer. C'est dans ce studio que nous avons enregistré «From Silence to Somewhere». Parlant d'enregistrements j'aimerais mentionner que nous avons composé énormément de matériel depuis 2011. Nous avons donc le matériel pour commencer à enregistrer dès maintenant le prochain album de Wobbler.
T.I.: Avez-vous beaucoup de matériel qui dort sur les tablettes?
L.F.F.: Lorsque je songe à cela je constate que j'ai énormément de matériel de côté. Et ce pour des projets variés et dans des styles musicaux variés. C'est vraiment agréable d'avoir des réserves comme celles-là le jour où tu dois vivre avec le syndrome de la page blanche et que tu es en panne d'inspiration!
T.I.: Devant telle profusion de matériel est-ce que cela a été facile de sélectionner les pièces devant constituer «From Silence to Somewhere»?
L.F.F.: Tout cela est venu naturellement. Et puis c'étaient des chansons que l'on venait tout juste de répéter. À l'origine on avait pensé à lancer «Fermented Hours» et «Foxlight» sur un EP. Mais je me suis dit que cela serait un peu étrange de lancer un EP après une absence de six ans. Nous avons donc enregistré la pièce titre et aussi inclus «Rendered in Shades of Green» qui elle était déjà enregistrée. Après coup je me suis dit que c'était pour ainsi dire un solide retour avec un véritable album. Je suis bien heureux que nous l'ayons fait.
T.I.: Est-ce que le titre a une signification particulière?
Andreas Stromman Prestmo: Le titre est tiré du second verset de la pièce titre. Il résume, fait la somme de plusieurs idées que l'on retrouve dans toutes les chansons. Il est question du concept de la métamorphose ainsi que de l'alchimie et la régénération. C'est aussi un titre qui parle de la vie en elle-même, la vie qui est née dans l'obscurité et qui s'est battue, a ouvert un chemin pour arriver quelque part. Une volonté universelle de vivre qui semble présente dans les plantes, les animaux et les humains et même dans le domaine de la métaphysique.
T.I.: J'aime beaucoup la pièce titre qui ouvre votre nouvel album. Et puis j'adore votre emploi de l'orgue «à la Canterbury»! Pouvez-vous nous parler de l'histoire de cette pièce épique?
L.F.F.: Merci beaucoup! Il y a quelques années, peut-être en 2013, Andreas nous est arrivé en local de répétition avec les principaux thèmes de cette pièce. Tout le groupe a contribué aux arrangements et a fait de cette pièce ce qu'elle est aujourd'hui. Cela a pris pas mal de temps mais nous sommes très satisfaits du résultat final. En ce qui concerne l'orgue fuzz à la Canterbury je considère qu'il est en général peu utilisé et j'essaie de le placer partout où je peux le faire. J'aime beaucoup la structure de cette pièce, son développement et la répétition des thèmes. C'est quelque chose que nous ne faisions pas énormément à nos débuts. Le jeune Lars de 17 ans pensait à cette époque que c'était une attitude de vendu, une approche commerciale que celle de répéter un thème. Eh, Eh!
T.I.: «Foxlight» est une autre pièce que j'aime beaucoup. On y retrouve plein d'éléments qui sont habilement fusionnés: musique espagnole, médiéval, prog et un clavecin dont certaines envolées me rappellent The Doors.
LF.F.: J'ai grandi avec The Doors. Jusqu'à un certain point j'ai appris comment jouer des claviers en jouant ces chansons des années 60. Donc cela a probablement ressorti inconsciemment sur cette pièce. J'adore le solo de cembalo (n.d.l.r. clavecin en italien) sur cette pièce. Vous pouvez entendre qu'il est improvisé. On ne sait pas trop où il nous mène. Ce qui rend le tout plus excitant!
T.I.: Pour «From Silence...» est-ce que l'on peut dire que la composition est devenue plus une affaire de groupe que pour les disques précédents?
L.F.F.: Je pense que tu veux parler de mon rôle de «moteur» dans le groupe car j'assume l'enregistrement et la réalisation depuis les tous débuts et que je compose aussi la plupart des pièces. Mais en même temps nous avons toujours été un groupe parce que tout le monde contribue à tout. De l'écriture aux arrangements. Donc lorsque quelqu'un arrive avec une chanson ou une partie de chanson tout le monde planche dessus dans le local de répétition et la chanson se transforme en quelque chose de très différent de l'originale. C'est ce qui fait l'essence même d'un groupe. Tout le monde contribue, rendant la musique meilleure ou différente de ce qu'elle aurait été si tu avais mené la chanson à terme tout seul. Prend par exemple «In Orbit» de l'album «Rites at Dawn» où Kristian est arrivé avec les riffs principaux et la composition. C'est le parfait exemple d'une chanson qui a bénéficié de la contribution de tous les membres. La version finale avec tous les arrangements, les mélodies, les parties vocales, est drastiquement différente de la chanson que Kristian nous a présentée en local de répétition. D'un autre côté vous avez des chansons pour lesquelles j'ai fait des démo avec tout en place comme par exemple pour «This Past Presence» ou «A Faerie's Play» où la basse, la batterie et la guitare sont pour ainsi dire identiques à ce que l'on retrouvait sur les maquettes. Donc on peut dire que le processus de création est variable. Parfois nous ne faisons que «jammer». «Fermented Hours» une pièce de «From Silence...» est née d'un séance d'improvisation. Nous nous sommes installés dans la maison de Andreas une fin de semaine et tout l'équipement a été placé dans la salon. Beaucoup de bonne bouffe et de vin ont fait de «Fermented Hours» ce qu'elle est!
T.I.: Je ne suis pas surpris par votre description de la conception de «Fermented Hours». On y sent une telle urgence et une telle intensité!
L.L.F.: Merci beaucoup! Nous voulions que ce côté un peu brut «à la Il balletto di Bronzo» et le côté agressif de claviers «à la Emerson» rencontrent ici et là l'approche plus douce de Tony Banks.
T.I.: Vous venez de citer des exemples concernant «Rites at Dawn». Avec le recul quel est votre perception de «Rites…» et de «From Silence to Somewhere»?
L.F.F.: «Rites...» est un disque positif et réjouissant alors que «From Silence...» est plus sombre. «Rites...» c'est comme un champ d'été avec le ciel bleu dans une forêt de conte de fée. «From Silence...» est aussi dans une forêt de conte de fée mais la magie, l'obscurité et la mort sont entrées dans cette forêt. La musique y est plus spontanée. Nous avons laissé la musique respirer. On ne s'est pas trop soucié de jouer et de faire quelques erreurs. En fait nous les avons laissées pour donner cette impression de «live». Il y a trop de musique aujourd'hui qui est «plastique» et trop polie. Nous voulions le retour du côté rugueux et donner aux prises un son plus près de celui de nos concerts.
T.I.: Un nouveau guitariste en la personne de Geir Marius Bergom Halleland s'est joint à l'équipe. Est-ce que l'intégration a été facile? Avait-il déjà joué avec vous?
L.F.F.: Oui Geir Marius est un ami d'enfance. C'est important dans un groupe que tout le monde soit sur la même longueur d'ondes surtout lorsqu'il est question de goûts musicaux. Étant donné que nous avons grandi ensemble nous avons développé nos goûts musicaux ensemble de plusieurs façons. J'ai déjà joué dans des groupes progressifs où certains des musiciens détestaient le prog. Ce n'est pas du tout le cas pour Wobbler. Nous adorons tous le prog. Dans une certaine mesure plus le disque de prog est peu connu, mieux c'est pour nous!