Pour faire suite à l'intimiste «Quiet Storms» Galahad est revenu à la charge avec «Seas of Change» un disque dense et complexe, qui explique le chanteur Stu Nicholson en entrevue, traduit le désarroi des musiciens suite au fameux Brexit qui a amené le Royaume-Uni à quitter l'Union Européenne.
T.I.: Avant de parler de «Seas of Change» peut-être pourriez-vous nous parler de «Quiet Storms». C'est un album qui, de par son approche, me rappelle «Galahad Acoustic Quintet:Not All There». Pourquoi avoir privilégié cette approche plus intimiste?
S.N.: Eh bien au tout début je pensais enregistrer quelques chansons pour réaliser un disque solo mais quelques-uns des membres du groupe ainsi que Karl (n.d.l.r. Karl Groom est l'ingénieur de son et celui qui mixe les albums de Galahad depuis plusieurs années) étaient impliqués. Alors je me suis dit que cela pourrait être un album de Galahad mais je voulais aussi un disque plus doux pour mettre en valeur les chansons et le chant qui sont parfois tous les deux un peu perdus lorsqu'on privilégie des arrangements rentre-dedans et grandiloquents. Je voulais prouver que sous cette grosse production et les arrangements nous avions de grandes chansons. J'ai aussi enregistré «Marz» de John Grant et le poème de mon père «Willow Way» pour moi-même mais après coup je me suis dit que ces deux pièces convenaient parfaitement au concept de «Quiet Storms». J'ai donc inclus ces deux pièces aussi ainsi que quelques pièces d'un récent E.P.. Et puis Dean et moi avons aussi enregistré quelques versions de vieilles pièces. Finalement avant que nous nous en apercevions nous avions en main assez de matériel pour proposer un album substantiel. Un disque complet qui, je le pense, se tient bien. C'est quelque chose d'un peu différent et nous aimons essayer différentes choses. L'idée étant de ne pas nous répéter album après album. Par exemple «Seas of Change» , constitué d'une unique pièce est à l'opposé de «Quiet Storms» et de ses quinze pièces qui sont règle générale plus acoustiques. C'est très différent mais ça demeure du Galahad.
T.I: Vous dîtes que vous pensiez au début enregistrer quelques chansons pour un disque solo. Quelle serait selon-vous la différence entre un éventuel disque solo et un disque de Galahad?
S.N: Pour être honnête il ne devrait pas y avoir beaucoup de différences parce que je travaille toujours avec à peu près les mêmes personnes. Et puis je ne désire pas vraiment travailler avec d'autres personnes parce que cette équipe est tellement productive. C'est ce qui explique partiellement pourquoi «Gentle Storms» a finalement été lancé sous le nom de Galahad et non pas comme un album solo. Donc je peux dire qu' un album solo est improbable dans un avenir rapproché.
T.I.: Dans un échange de courriels avant le lancement de «Seas of Change» vous me disiez que pour cet album vous désiriez proposer une rencontre des sonorités du Galahad des années 90 à celui des années 2000. Quel a été l'événement déclencheur derrière cette idée?
S.N.: Je pense que c'est évident pour tout le monde au Royaume-Uni que l'album est inspiré par la décision d'un seul homme de tenir un référendum sur le fait que nous devions ou non rester au sein de la communauté européenne (n.d.l.r le Brexit). Le retour de flamme a été spectaculaire pour lui et depuis il a plongé le pays dans la tourmente et le grabuge. Ce n'est pas un album politique. C'est écrit vraiment plus dans la perspective d'un observateur qui se dit mais que ce passe t-il donc ici? C'était et cela demeure toujours une situation ridicule et je suis certain que cela va prendre beaucoup de temps pour la résoudre. On y retrouve aussi des références à des événements du passé qui, politiquement, révèle que le Royaume-Uni a toujours eu des relations hargneuses avec ses voisins européens. L'idée en terme de musique était de créer un album qui serait un genre d'hybride du «vieux« Galahad qui était plus doux, «moelleux» et près du progressif traditionnel et de l'unir au nouveau style plus heavy de Galahad, du moins en ce qui concerne les derniers albums qui incorporaient des sonorités de claviers contemporains dont quelques-unes, oserais-je, avaient une tournure un peu techno/dance.
T.I.: Pourquoi avoir choisi de créer une longue chanson pour cet album? Un défi?
S.N.: D'une certaine façon c'était un défi mais tout cela s'est développé au fil du temps lorsque Dean et moi arrivions avec de plus en plus d'idées pour la musique et les paroles. La pièce originale totalisait 8 minutes et graduellement nous avons ajouté des éléments, des sections. Je continuais à écrire des paroles et nous, Dean et moi, continuons de suggérer de nouvelles idées et éventuellement la pièce s'est métamorphosée en cette pièce monstrueuse. Lorsque je l'écoute je me demande encore «mais comment nous avons faire cela?». Puis nous avons pensé que des 24 pièces que nous avons composées lors des deux dernières années que nous pouvions enregistrer celle-ci et qu'elle constituait effectivement un album en elle-même. «Seas of Change» était né! J'aime le côté britannique qui se dégage de ce disque. J'espère que les gens vont apprécier. En tous cas, à ce jour les réactions sont généralement positives.
T.I.: Est-ce que l'on peut parler d'un disque concept?
S.N. :Je serais porté à le dire car on retrouve un lien lyrique tout au long de l'album. Je dirais que fondamentalement c'est une aventure musicale plein de tournants et de rebondissements qui se termine comme elle commence. C'est à dire qu'en ce moment même nous ne savons rien et nous ne savons pas du tout où va nous mener ce curieux chemin qu'a emprunté notre nation. Un cas à surveiller j'imagine.
T.I: Sur la pochette on peut y voir la statue de l'amiral Nelson située à Trafalgar Square sur le point d'être submergée. Lorsque j'ai vu cette pochette pour la toute première fois je n'avais pas entendu l'album et j'ai songé qu'elle pouvait être en référence aux changements climatiques. Le titre , «Seas of Change» me semblait aussi donner cette indication.
S.N.: Eh bien non ce n'est pas à propos des changements climatiques bien que ce soit une intéressante observation qui ouvre sur une nouvelle interprétation. L'image est une allégorie de ce qui arrive au Royaume-Uni. Où nous dirigeons-nous? Sommes-nous en train de sombrer dans une mer d'incertitudes... Aussi «Seas of Change» est en lien avec le groupe. Nous avons connus tellement de changements mais nous continuons à gérer pour maintenir le bateau à flot.
T.I.: Comment envisagez-vous l'avenir du Royaume-Uni?
S.N.: Les temps sont durs et ce autant sur le plan économique que politique... Je pense qu'il pourrait y avoir des luttes. Mais l'histoire nous démontre que nous sommes toujours retombés sur nos deux pieds. Nous n'avons pas habitude dans ce pays d'être négatif. Je pense donc qu'en bout de ligne tout va bien finir. Mais c'est peut-être l'éternel optimiste en moi qui parle!
T.I.: Parlant de changement au sein du groupe. Suite au départ de Roy Keyworth vous avez accueilli un nouveau guitariste qui n'est pas étranger au groupe: Lee Abraham qui a déjà été bassiste dans le groupe!
S.N.: Oui Lee est tellement enthousiaste et il a tellement d'idées. Je pense qu'il a apporté un nouveau dynamisme au groupe qui en manquait. C'est un musicien au jeu fluide et il est très ouvert aux nouvelles idées en ce qui concerne les sonorités. Et puis il n'a pas cette haine pathologique que Roy avait pour la guitare acoustique. Lee est très heureux de jouer de la guitare acoustique. Ce qui convient très bien au nouvel album. C'est quelque chose qui déplaisait beaucoup à Roy bien que je n'ai jamais réussi à comprendre pourquoi.
T.I.: Est-ce que vous avez commencé à travailler sur du nouveau matériel?
S.N.: Nous avons un impressionnant catalogue de chansons en réserve d'environ 23 chansons! Ce sont des brouillons mais tout de même écrites paroles et musique et les démos de certaines ont déjà été enregistrés. Nous avons donc assez de matériel pour enregistrer trois ou quatre albums! Nous espérons travailler et donner forme à certaines d'entre elles cette année et enregistrer le prochain album le plus rapidement possible. En ce moment il y a une certaine excitation au sein du groupe . Un buzz. Nous poussons tous dans la même direction. Ce qui n'était pas le cas ces dernières années. Je pense que les choses vont bouger positivement.
T.I.:Avec le recul quelles sont vos impressions au sujet de «Seas of Change»?
S.N.: Je pense que nous sommes tous très enchantés de la façon dont ont tourné les choses. Le disque est plus «cinématograhique», plus épique que je pensais qu'il ne le serait. C'est grâce à Dean qui a fait un magnifique travail avec les arrangements et les orchestrations. Et Karl a fait un travail incroyable sur le plan de l'enregistrement et du mixage. C'est notre George Martin.