From Silence to Somewhere

Fondé il y a près de 20 ans, WOBBLER a peu produit – From Silence to Somewhere n’étant que son 4e album –, mais est resté toujours fidèle à une qualité musicale irréprochable. Composé de Lars F. Frøislie (claviers, chœur), Kristian K. Hultgren (basse, pédales basses, clarinettes), Martin N. Kneppen (batterie, flûtes à bec), Marius Halleland (guitares, chœur) et Andreas W. S. Prestmo (chant, guitares, glockenspiel, percussions), le groupe a invité Ketil V. Einarsen (flûte), Øystein B. Gadmar (cromorne) et Renato Manzi. Et From Silence to Somewhere est sans contredit un sommet du prog symphonique… même s’il ne contient que quatre pièces et que celles-ci ne totalisent que 46 min 38 sec. Frøislie utilisant une panoplie d’instruments analogiques, le son général de WOBBLER évoque immanquablement les années 1970. Cela dit, les Norvégiens ne font pas « dans le rétro » pour autant : le prog symphonique de From Silence to Somewhere est résolument moderne tout en étant dans le sillage des albums précédents, avec cet aspect typique des Scandinaves quant au poids inéluctable du destin.
From Silence to Somewhere s’ouvre sur la chanson-titre, pièce épique de 21 min 02 sec, qui contient à elle seule près de tous les horizons explorés par le groupe dans l'album, dont des échos de GENESIS, GENTLE GIANT, YES, Terry RILEY et de fusion jazz/rock, en plus d'échappées pastorales soit folkloriques, soit évocatrices d'Anthony PHILLIPS. S'il ne figure pas parmi les grandes de voix de l'heure, Prestmo chante néanmoins avec émotion et crée des atmosphères variées, fait plutôt inusité chez les Scandinaves (sauf Ohme de GAZPACHO et, bien sûr, Björk). Faisant le pont entre la chanson-titre et les deux compositions finales – d'une durée totale de 23 min 31 sec –, les instruments classiques (piano, violon, alto) et le mellotron font de « Rendered in Shades of Green » (2:05) une pièce lente, mélancolique, délicate tout en étant sombre. « Fermented Days » (10:12) est la chanson la plus rock, énergique et « heavy » de l'album : un train fonçant à toute allure (chant, batterie, basse, guitare, claviers) avec quelques brefs aiguillages lents, humoristiques à l'occasion (voir les paroles) ; à mi-chemin de la pièce, le duo basse-claviers est particulièrement brillant (ça rappelle Squire et Moraz) et la finale est un vrai monstre. « Foxlight » (13:19) est sans doute la chanson la plus intrigante et la plus achevée de l'album, un bijou de finesse qui nous est revélé d'abord en demi-teintes acoustiques (il y a du Manzarek dans le piano électrique), puis le tempo s'alourdit et s'amplifie et Prestmo entraîne le groupe dans une démonstration de savoir-faire orchestral tout à fait enlevant (à la YES, avec une guitare classique qui évoque Howe autant que Hackett). La finale est festive, folklorique, médiévale.
Au vu des références au passé, on pourrait conclure que WOBBLER n'est rien de plus qu'un pique-assiette. Pourtant, ce jeu de clins d'œil démontre que le groupe connaît et respecte ses prédécesseurs, non pour les imiter, mais pour les utiliser comme tremplins et élaborer un univers musical qui lui est propre. From Silence to Somewhere est un album de prog symphonique riche, complexe, inventif, exemplaire.
Liste des pièces
1. From Silence To Somewhere (20:59)
2. Rendered In Shades Of Green (2:05)
3. Fermented Hours (10:10)
4. Foxlight (13:19)