Formé il y a 12 ans par le batteur Audun Engebretsen , le claviériste Erlend Engebretsen, le chanteur Knut Erik Grøntvedt , le bassiste Lasse Lie, et le guitariste Stig Selnes, Fatal Fusion a été un des secrets les mieux gardés de la Norvège. Ce qui devrait changer avec la parution de leur nouvel et quatrième album studio «Dissonant Minds». Audun Engebretsen, qui est aussi le parolier du groupe, nous raconte la saga de cette formation qui marie adroitement hard rock et progressif.
T.I. : Quel était votre bagage musical avant que vous ne formiez Fatal Fusion?
Audun Engebretsen : D’une certaine façon tous les membres du groupe ont des CV différents mais similaires. Durant les années 90 et 2000 le guitariste du groupe Stig Selnes a joué au sein de plusieurs groupes d’interprétations de groupes blues/rock comme The Rumbling Tubes et Agathe. Notre chanteur Knut Erik Grøntvet a un parcours similaire. Il a joué de la guitare et chanté au sein de groupes de blues rock. Mon frère aîné Erlend, qui est claviériste, et moi avons fait nos premiers pas au sein de fanfares à l’école. Mon frère a par la suite formé No Name avec Lasse Lie, notre bassiste. Un groupe d’interprétation qui a été actif de 1986 à 1992 puis ils ont formé Hydra et c’est là que je me suis joint à eux en tant que batteur. C’était aussi un groupe d’interprétation mais, à cette époque, nous avons aussi commencé à composer notre propre matériel. Ce groupe s’est métamorphosé en Moonstone en 1998 avec trois d’entre nous à bord. Avec ce groupe nous avons choisi de nous concentrer sur de la musique plus complexe et à composer encore plus notre propre matériel. Donc on peut dire que tous les membres ont des racines blues et rock communes.
T.I. : Qu’est- ce qui vous a motivé à abandonner le blues et l’interprétation?
A.E. : Nous partagions un amour commun pour le hard rock, le jazz fusion, le métal, le psychédélique, le space rock et le rock progressif et nous sentions le besoin d’explorer. A la dissolution de Moonstone nous avons formé un groupe de blues-rock du nom de Crystal Blues mais en 2007 nous avons eu le goût de renouer avec la composition et de jouer de la musique plus aventureuse et complexe. C’est ce qui nous a amené à former Fatal Fusion. Nous avons composé «Out of The Fields» vers la fin de 2007. Nous étions assez satisfaits du résultat et cela nous a donné assez confiance pour que l’on songe à monter un groupe de rock progressif qui composerait et jouerait uniquement son propre matériel Nous avons choisi le nom de Fatal Fusion parce que l’on trouvait que cela sonnait bien comme par exemple Gentle Giant ou Foo Fighters. Et puis il annonçait en quelque sorte que nous étions pour marier les genres et les styles et c’est exactement ce que nous voulions faire. Le groupe a donc fait ses premiers pas au début de 2008 avec mon frère Erlend aux claviers Lasse à la basse et moi à la batterie. Le premier à nous rejoindre a été Knut Erik au chant. Erlend l’a contacté après avoir visionné un vidéo en ligne de lui chantant et jouant de la guitare et puis Stig à la guitare. Il a répondu à une annonce que nous avions placé dans un magazine musical.
T.I. : Quelle était la situation de la scène progressive norvégienne lorsque vous avez formé Fatal Fusion? Est-ce que certains groupes norvégiens vous ont inspiré à vos débuts?
A.E. : Eh bien il n’y avait pas tellement de groupes à cette époque mais nous étions au courant de l’existence de groupes comme Magic Pie et Wobbler. Très tôt nous nous sommes rendus aux concerts de ces groupes pour avoir une bonne idée de la scène musicale progressive qui était, et qui est toujours, une sous-culture underground. C’était simplement plaisant de se joindre à cette scène musicale, de présenter des concerts pour les fans de rock progressif et d’être en mesure d’apporter quelque chose à ce style musical en composant et présentant notre propre musique. Nous n’étions pas nécessairement inspiré par ces groupes et nous ne voulions pas sonner comme d’autres groupes norvégiens. Seulement quelques groupes norvégiens des années 70 nous ont inspiré et ils n’étaient plus actifs lorsque nous avons commencé. Il s’agit de Ruphus et de Popol Ace. Nous nous sommes beaucoup plus inspirés de groupes britanniques et américains. Des groupes comme ELP, Yes, Genesis, Rainbow, Marillion, Deep Purple, Iron Maiden, Toto, Pink Floyd... Des groupes avec lesquels nous avons grandi. Puis par la suite nous avons découvert des formations comme Opeth, Spock’s Beard et IQ.
T.I. : De quelle façon êtes-vous passés à l’étape l’enregistrement de votre premier album «Land of The Sun»?
A.E. : Nous avons commencé à composer et à enregistrer des maquettes et à planifier des concerts dès que Stig et Knut Erik ont joint le groupe en 2008. Le résultat a été «Land of The Sun» que nous avons lancé en 2010 en tant qu’indépendant car nous n’avions pas encore décroché d’entente à ce moment-là. C’est le groupe qui a financé l’enregistrement, enregistré et mixé l’album dans notre propre studio au cours de 2009 et 2010. Certaines des pièces de cet album, «Cry No More», Shot to The Ground et «Promises», étaient des chansons que nous avions composées et jouées au sein de groupes précédents mais que nous n’avions jamais enregistrées. Nous les avons un peu modifiées et ce autant en ce qui concerne la structure que les paroles pour qu’elles s’intègrent mieux au son de Fatal Fusion. Je pense que c’est la principale raison pour laquelle notre premier album sonne de la façon qu’il sonne : c’est-à-dire très éclectique. Avec le recul je pense que c’était un peu une erreur d’inclure sur notre premier album des chansons qui n’avaient pas initialement été composées pour Fatal Fusion. Mais bon nous devions commencer à quelque part et nous considérions que ces chansons étaient trop bonnes pour qu’elles ne voient jamais la lumière du jour. Je me rappelle qu’à cette époque nous avons eu beaucoup de plaisir et aussi que nous avions beaucoup d’attentes et le sentiment que tout était possible! Nous avions raison parce qu’il y avait de nombreux concerts et un contrat d’enregistrement qui nous attendaient.
T.I. : Je dois dire que j’ai été assez impressionné par votre travail en studio pour ce premier album. Aviez-vous une certaine expérience dans ce domaine?
A.E. : Merci pour le compliment! Nous avions une certaine expérience dans le domaine de l’enregistrement et du mixage mais pas énormément. Nous avions enregistré quelques maquettes avec Moonstone et Crystal Blues. Nous avons beaucoup appris en observant les gens travailler lors de l’enregistrement de ces maquettes et aussi énormément par nous-mêmes par essai et erreur. C’est de cette façon que nous avons appris ce qu’il fallait faire et ne pas faire. Nous avons fait quelques erreurs ici et là tout au long du processus. Il n’y avait pas d’urgence à boucler les séances d’enregistrement car nous n’avions aucune entente avec une maison de disques. Pour le mixage tout ce dont tu as besoin c’est de quelques bonnes pièces d’équipement d’enregistrement, un bon programme pour ordinateur ...et une bonne oreille musicale! Avec cela tu peux foncer. Habituellement c’est Stig et moi qui nous nous occupons du mixage. Il possède les connaissances techniques et moi l’oreille musicale. Stig est aussi un designer graphique et un peintre et c’est lui qui a conçu la pochette. Mon idée était qu’il base son œuvre sur les paroles de la pièce titre «Land of The Sun».
T.I. : Votre perception aujourd’hui de ce premier essai?
A.E. : Ce n’est en aucun cas un album parfait mais j’en suis toujours fier. Nous avons tellement appris de choses durant la composition et l’enregistrement de ce disque. J’ai vraiment appris l’art d’écrire des paroles de chansons. Jusque-là personne ne voulait écrire les paroles. Tout le monde dans le groupe trouvait que c’était vraiment très difficile. Moi le premier! Mais cette perception s’est atténuée lorsque j’ai commencé à écrire les paroles de «Land of The Sun» et «Broken Man». Je n’ai vraiment trouvé ma voie en tant que parolier que lorsque j’ai commencé à créer des histoires et des concepts que je trouvais intéressants. En tant que groupe nous avons appris à suivre notre instinct et à faire confiance à nos oreilles musicales. Je me rappelle encore cette impression que j’ai eu en studio. Je sentais que le groupe avait trouvé son propre son lors de ces séances d’enregistrement. Tout spécialement dans le cas de la chanson titre, de «Out of The Fields et de «Broken Man». J’aime encore beaucoup ces pièces. Comme je le disais tout à l’heure c’était peut-être une erreur d’inclure certaines pièces mais je pense qu’elles sont néanmoins intéressantes. Rétrospectivement je repère ici et là quelques problèmes sur le plan de la réalisation mais nous allons corriger tout cela lorsque l’album sera réédité. Nous allons revisiter ces vieux enregistrements, les «nettoyer» et les remixer maintenant que nous avons beaucoup plus d’expérience dans le domaine. Notre maison de disques, Apollon Records, veut relancer l’album dans un avenir rapproché et qu’il bénéficie d’une meilleure distribution.
T.I. : Quelle a été l’accueil en Norvège pour votre premier album?
A.E. : Nous avons commencé à jouer des pièces du premier album en concert avant même que l’album ne soit lancé. On avait déjà d’excellentes réactions de la part des amateurs de rock progressif norvégien. «Broken Man» est vite devenue une favorite des fans et elle le demeure aujourd’hui, du moins pour les fans norvégiens. En 2010 l’album a été nominé dans la catégorie «meilleur premier album» par Prog Awards. Nous n’avons pas gagné mais pour nous c’était déjà une petite victoire d’avoir été en nomination. Il y a eu quelques chroniques sur l’album et le groupe s’est retrouvé sur Prog Archives. Tout ceci nous a donné confiance en nos moyens et nous a donné l’impulsion pour commencer à travailler sur notre second album «The Ancient Tale». En 2012 après avoir présenté un concert en première partie de The Watch les responsables de la maison Karisma ont été assez impressionné qu’ils nous ont proposé un contrat.
T.I. : A l’écoute de votre second album on serait tenté de dire qu’il s’agit d’un disque concept car toutes les chansons sont basées sur des histoires et il y a un thème qui les relie.
A. E. : Oui dans un sens on peut dire cela. La principale idée que j’ai eu pour cet album a été de le baser sur la très vieille dualité entre les forces du chaos et celle de l’ordre. Ces forces peuvent se manifester de plusieurs façons différentes et sur différents plans. L’idée est aussi que ceci se répète tout au long de l’histoire de l’humanité parce que cette dualité repose sur des forces naturelles définies depuis le début des temps. C’est quelque chose que l’on ne peut pas changer et auquel nous sommes liés. Si vous regardez l’histoire de l’humanité ce concept de la dualité et de ses implications ont toujours occupés l’esprit des humains. Ce qui fait que cette histoire est très ancienne.
Sur cet album la pièce «City of Zerych» aborde ce sujet par le biais de la fiction et d’une approche un peu à la façon d’un conte de fée ou d’une histoire folklorique où on retrouve un protagoniste et un antagoniste , où le héros sauve la ville d’un démoniaque sorcier. C’est une histoire inspirée en bonne partie par le concept de l’aventure du héros de Joseph Campbell. «Halls of Amenti» traite du sujet d’une autre façon plus personnelle car les forces dualistes se retrouvent en nous-mêmes. C’est l’idée de la recherche individuelle de la connaissance, de l’illumination au lieu de demeurer dans l’ignorance. Dans ce cas cette recherche s’effectue par le biais d’ancienne philosophie et de mysticisme remontant jusqu’à l’Antiquité. Ce qui était très populaire en Europe à l’époque du siècle des Lumières. «Divine Comedy» est évidemment basé sur le poème de Dante Alighieri composé au début des années 1300 et examine le thème de la dualité par le biais de la lentille de la religion. «Tears I've Cried» aborde le dualisme dans sa façon de se manifester dans la société humaine et de quelle façon cela nous affecte. Dans ce cas-ci il s’agit d’un amour interdit qui résulte de la façon dont la société est divisée en classes. Où les citoyens de haute société ne peuvent pas s’associer avec des gens de la classe ouvrière et ce même si deux amoureux ont trouvé le véritable amour. Je me suis inspiré ici d’auteurs classiques comme Hésiode et Homère et aussi de l’ancien théâtre grec.
T.I. : Qu’est-ce qui vous a inspiré dans le poème de Dante Alighieri?
A.E. : Ce qui m’a initialement intéressé c’est que cette histoire me procurait un point de vue religieux sur l’ensemble du concept de la dualité qui est le thème de l’album. J’ai pensé que ce serait tout un défi de faire passer l’histoire par le biais d’une pièce instrumentale. Nous devions vraiment peindre une toile avec des sons, utiliser différentes tonalités et différentes atmosphères pour traduire tout cela. Je me rappelle que j’étais très inspiré lorsque j’ai travaillé sur cette pièce avec Stig. Certainement une de mes pièces préférées.
T.I. : Vous avez composé pas moins de trois pièces épiques pour cet album. Une formule qui semble particulièrement vous plaire.
A.E. : Oui j’apprécie beaucoup cela parce que j’ai l’impression que je suis à ce moment-là au sommet de ma créativité. C’est aussi sans l’ombre d’un doute un défi pour tout le groupe. C’est un exercice qui hisse le groupe à un autre niveau d’écriture tout comme d’ailleurs nos habiletés techniques en tant que musiciens. Les séances d’enregistrement ont été aussi un véritable défi mais nous avons eu beaucoup de plaisir. Lorsque nous avons présenté des concerts pour promouvoir cet album nous avons décidé de le jouer intégralement. Encore une fois un gros défi mais c’était quelque chose de très gratifiant. Les chansons sont très longues et complexes et nous devions les apprendre par coeur et se rappeler de toutes les tournures.
T.I. : A l’écoute de cet album j’ai eu l’impression que vous avez accordé une attention particulière aux arrangements. Suis-je dans l’erreur?
A.E. : C’est vrai car nous évoluons en tant que compositeurs. Je me suis beaucoup concentré sur les arrangements pour que tout soit impeccable. Nous avions beaucoup de temps devant nous pour fignoler les arrangements car nous n’avions pas encore été mis sous contrat par la maison Karisma. Nous avons aussi investi beaucoup de temps sur le mixage de l’album et sur l’ajout d’effets sonores ici et là pour obtenir la bonne atmosphère. Beaucoup de plaisir mais beaucoup de travail.
T.I. : Lorsque vous avez commencé à présenter des concerts pour promouvoir «The Ancient Tale» aviez-vous déjà une idée de la forme que prendrait votre troisième album?
A.E. : Pendant le mixage de «The Ancient Tales» en 2012 nous avons composé deux nouvelles chansons c’est-à-dire «The Emperor Letter» et Astral Flight» qui se sont toutes deux retrouvées sur «Total Absence». Ce sont ces pièces qui, d’une certaine façon, nous ont donné une direction pour notre troisième album. En 2013 et 2014 j’ai aussi composé «Shadow of the King» et «Forgotten One» durant la période pendant laquelle nous présentions des concerts pour promouvoir «The Ancient Tale». La pièce titre «Total Absence» et Endless Ocean Blue» ont été montées lors de séances d’improvisations et Erlend nous est arrivé avec la courte pièce instrumentale «The Gates of Ishtar» qui a été la dernière à être enregistrée.
T.I. : Une de mes pièces préférées de l’album «Total Absence» est «The Emperor's Letter» avec son petit côté «à la King Crimson» ou «à la Anekdoten». J’adore le mellotron... je présume que c’est la même chose pour vous?
A.E. : Oui cette chanson est aussi une de mes préférées. Je l’ai composée à un moment où je me sentais particulièrement inspiré. Je venais tout juste de terminer la lecture d’un texte portant sur les événements historiques entourant la disparition de rites païens dans l’empire Romain en faveur de la foi et de la culture chrétienne. C’était le texte d’un prêtre païen qui se plaignait de la disparition de la vieille religion païenne et de la destruction des temples. Ça m’a beaucoup impressionné et inspiré à composer une chanson sur cela à partir de la perspective de ce prêtre. Étant donné le sujet, je devais écrire, autant que possible, quelque chose qui était à la fois dramatique et mélancolique. C’est pour cela que nous avons utilisé beaucoup d’orgue d’église et de mellotron. Et oui! Le mellotron m’inspire beaucoup. J’aime la façon que cet instrument sonne et comment tu te sens à son écoute. C’est à la fois magnifique et très envoûtant. Ce que j’aime c’est que cet instrument créé des atmosphères et des sentiments complexes et des émotions dissonantes Tu mentionnais Anekdoten et King Crimson et bien au fil des ans ces groupes ont assurément été une source d’inspiration pour nous.
T.I. : Parlez-nous de la pièce «Endless Ocean Blue» qui se retrouve aussi sur «Total Absence». Une pièce qui sort un peu du rang. On pourrait dire qu’elle n’est pas typique du groupe.
A.E. : Peut-être pas. Je ne sais vraiment pas ce qui est typique pour le groupe. Nous composons simplement ce que nous aimons, ce qui nous vient à l’esprit. Cette chanson est le résultat d’un jam initié par Stig que nous avons mené dans un studio de répétition pendant l’enregistrement de «Total Absence» en 2015. Nous enregistrons tous les jams pour être en mesure de les écouter plus tard et de vérifier s’il n’y pas quelques idées intéressantes qui ont émergées. Je me rappelle que j’ai écouté ce jam en attendant un train à la gare et lorsque j’ai entendu une section en particulier j’ai eu comme un feeling «à la Echoes» de Pink Floyd. C’est ça qui m’a inspiré la mélodie et les harmonies. J’ai présenté cela au reste du groupe et nous avons travaillé la pièce. Nous voulions une pièce plus introspective avec un feeling pour ainsi dire méditatif. Quelque chose comme ce que Pink Floyd faisait à ses débuts. La chanson porte sur quelqu’un qui médite et elle nous fait vivre toutes les étapes du voyage de cette personne durant son ascension.
T.I. : Le titre de l’album Total Absence a une signification particulière?
A.E. : Oui la pièce titre traite de la solitude, d’isolement et de la détérioration de la société. Les paroles peuvent être ou ne pas être métaphoriques. C’est à l’auditeur de décider. Nous pensons que «Total Absence» est un titre significatif et que la pièce est aussi une importante partie de l’album. Lorsque nous nous sommes mis à la recherche d’une pochette nous sommes tombés sur une photo d’un édifice détérioré et condamné qui était un vieil hôpital psychiatrique situé pas très loin de chez nous. Il est fermé depuis de nombreuses années. Ces images nous ont tellement inspiré que nous les avons utilisées pour le livret parce qu’elles nous rappelaient les paroles de «Total Absence». Pour la pochette nous avons donc décidé de pencher pour le photo réalisme plutôt que Stig crée une toile comme pour nos autres albums.
T.I. : Et à quoi fait référence le titre de votre quatrième album «Dissonant Minds»?
A.E. : Nous parlons du thème du globalisme et de la façon qu’il affecte l’esprit humain. Je ne veux pas être normatif. C’est une pure observation descriptive de l’état du monde actuel. Le monde est devenu plus petit à cause de la technologie, il y a des immigrants qui évolue entre les cultures. Des siècles de vieilles frontières et de traditions sont questionnées. Pendant des millénaires les êtres humains ont vécu une vie relativement isolée géographiquement mais lors des 50 dernières années tout ceci a changé de façon drastique. Soudainement nous ne vivons plus dans une société avec une culture homogène mais dans une société très multiculturelle et multi ethnique où différentes «vérités» vivent côte à côte. Il en résulte de la dissonance cognitive. Il y a des thèmes sur cet album qui sont reliés à cette situation comme par exemple ceux des pièces «Quo Vadimus» et «Coming Forth Day» . «Quo Vadimus» veut dire en latin «où allons-nous» et c’est une pièce qui pose la question mais o ù va l’humanité?? C’est un questionnement sur l’emprise que la religion et les idéologies ont sur nous et sur les actions destructrices auxquelles elles mènent parfois. C’est la même chose pour «Coming Forth by Day» qui est inspiré du «Livre des morts» égyptien. Cette chanson présente une vision plus marxiste de la société où les esclaves sont conditionnés à croire qu’il y a une meilleure vie après la mort. Tout cela dans le but qu’ils travaillent fort pour la classe dirigeante. Dans cette histoire le héros et esclave est à la poursuite d’une meilleure vie après la mort parce que les prêtres lui ont promis. A sa mort il n’a pas son ticket pour le ciel tel que promis mais il fait son entrée en enfer et est condamné à la damnation éternelle. Donc le titre porte vraiment sur différents cultures et idéologies qui se battent pour une position et une domination mondiale et sur les dissonances cognitives que nous humains expérimentons dans le sillage de toutes ces différentes «vérités» qui coexistent.
T.I. : Comme vous le disiez auparavant «Broken Man» est une chanson importante pour le groupe. C’est ce qui explique que l’on retrouve sur «Dissonant Minds» la seconde partie de cette pièce. Était-ce quelque chose que vous vouliez réaliser depuis longtemps?
A.E. : Oui effectivement «Broken Man» est une chanson importante pour le groupe mais aussi une chanson spéciale pour nos fans, à tout le moins pour nos fans norvégiens. Cette chanson est très efficace lorsque nous l’interprétons sur scène. Notre chanteur Knut s’habille toujours comme le personnage de la chanson et il porte un bandeau car il est exécuté sur scène tout comme dans l’histoire. Ça donne un grand moment sur scène. Pour être honnête je n’ai pensé à composer la seconde partie qu’il y a seulement quelques années lorsque nous avons commencé à travailler sur le matériel de «Dissonant Minds» . J’ai soudainement senti que ce serait bien de continuer cette histoire et ainsi relier les albums. J’aime quand des groupes font quelque chose de similaire. Je pense ici à Spock’s Beard avec la suite «Thoughts» qui s’étale sur plusieurs albums et aussi comment Rush a présenté l’histoire de «Cygnus» sur deux albums. J’ai pensé que ce serait un défi intéressant de faire partie de cette tradition et j’ai commencé à écrire Broken Man Part 2 qui a été la dernière pièce que nous avons enregistré pour l’album. Ça serait vraiment bien si on pouvait jouer sur scène les deux parties en séquence pour les réunir.
T.I. : J’aime beaucoup la pochette de Disonnant Minds!
A.E. : Merci j’aime cette pochette moi aussi. Elle symbolise vraiment toutes les différentes religions, idéologies et idées qui se battent pour une avoir une position de l’influence sur la scène mondiale. Je ne veux pas révéler ce que ces tours sont vraiment. Cela va demeurer notre secret. Le plus important c’est quelle impression te donne l’image lorsque tu la vois.
T.I. : Avec un peu de recul que pensez-vous de cet album?
A.E. : Je serais porté à penser que c’est mon album préféré mais, à vrai dire, c’est que j’ai ressenti à chaque album que nous avons réalisé! Nous sommes fiers du résultat et de nous-mêmes car nous avons vraiment beaucoup travaillé en tant que musiciens et compositeurs. C’est notre premier album pour la maison Apollon et nous espérons que les gens vont l’apprécier d’un point de vue artistique et que les choses vont bien aller en termes de vente. Mais, pour le moment, si on parle de créativité je me sens plutôt vidé. Le processus de création et d’enregistrement a été tellement long et difficile. Nous espérons pouvoir présenter des concerts dans un futur rapproché. Voyons ce que l’avenir nous réserve!