Au bord de la mer Tyrrhénienne, au pied du Vésuve, Naples est la 3ème ville d'Italie comptant près d'un million d'habitants. Mais lorsque l'on évoque la capitale de la région de Campanie, rapidement on pense à la Camorra, la délinquance, la corruption, la saleté... Pourtant Naples est riche d'une longue histoire née durant l'antiquité, lorsque des marins grecs y débarquèrent pour en faire un port important de la Méditerranée. Ville de migration, également riche en culture et en tradition, Naples possédait dans les années 70 une grande scène progressive pouvant la rendre capitale du genre et dont l'héritage résonne encore. Une scène qui avait pour centre de gravité Osanna. Tour d'horizon avec Cervello, Uno, Citta Frontale, Saint Just, Alan Sorrenti, Nova, Fabio Celi E Gli Infermieri ainsi que les incontournables Napoli Centrale et Il Balleto Di Bronzo.
Il Balleto di Bronzo
Créé en 1967 à Naples sous le nom de Battitori Selvage et après quelques changements de personnel, le groupe s’articule autour du chanteur Marco Cecioni, du guitariste Lino Ajello, du bassiste Michele Cupaiuolo et du batteur Gianchi Stinga. S’inspirant d’un tableau d’Edward Wadsworth peint en 1940, «Bronze Ballet», le quatuor se baptise Il Balletto Di Bronzo. En 1969, le groupe sort un single, «La Neve Calda» dans la veine hard rock. L’année suivante les napolitains publient sur RCA leur premier LP, «Sirio 2222» qui est un hommage à l’émission radio Sirio 6070 de Daniel Ruti.
Sirio 2222 (RCA, Italie, 1970)
«Sirio 2222» est un excellent album de hard rock primitif comme il s’en faisait au début des années 70 pouvant rivaliser avec la clique Anglo-Saxonne de l’époque. Ce premier opus oscille entre Cream et Led Zep voire Black Sabbath. Chanté en italien, la majorité des titres mettent en valeur la guitare rugissante de Lino Ajello avec riffs saignants et soli heavy blues. On y retrouve «La Neve Calda» mais également des titres aussi percutants et pesants comme «Un Posto», «Ma Ti Aspettero», «Girontodo» ou «Incantesimo» avec harmonica. Il Balletto di Bronzo propose aussi des moments blues-folks avec «Eh Eh Ah Ah» qui vire au boogie. Mais trois pistes vont faire la différence. Tout d’abord «Meditazione» court morceau symphonique avec violon et clavecin qui laisse présager les futures orientations. Puis «Incantesimo» de près de sept minutes, un hard blues pesant qui bascule dans le space rock sous acide. Vient le titre final «Missione Sirio 2222» inspiré de la science-fiction dépassant les neuf minutes. Ça débute par une guitare acoustique. Quand vient un larsen introduisant une six cordes trémolo et des chœurs qui tentent de nous faire décoller dans un délire psychédélique avec riffs malsains au son impropre se déchirant, batterie tribale et Marco Cecioni en pleine transe comme possédé. Les choses se calment avec le retour de la guitare acoustique. Bien des années plus tard la version italienne du magazine Rolling Stone classe «Sirio 2222» parmi les 100 plus beaux disques italiens. Malheureusement à son époque, ce premier essai va souffrir d’un manque de promotion et passe complètement inaperçu provoquant la rupture avec RCA. Mais la venue d’un jeune organiste prodige va être décisive pour la suite.
Ys Polydor (Italie, 1972)
Attention chef-d’œuvre! Un incontournable du prog italien classé parmi les 100 meilleurs albums du genre au même titre que «Felona E Sorona», «Isola Di Niente», «Io Sono Nato Libero» ou encore «Palepoli». Toutefois, il faut plusieurs écoutes pour apprécier ce «Ys» qui délivre un rock symphonique démesuré, loin d’un «Sirio 2222» aux orientations hard rock psyché. La faute à ce jeune prodige au clavier, orgue, piano et autre clavecin fraîchement embarqué dans Il Balletto Di Bronzo. Ex membre de Città Frontale, groupe napolitain où chante un certain Lino Vairetti (futur Osanna), le claviériste Gianni Leone intègre Il Balletto Di Bronzo durant l’hiver 1971 après le premier album, «Sirio 2222» passé complètement inaperçu. Échec commercial qui provoque la rupture avec RCA. Talentueux et excentrique, l’organiste s’impose et réoriente le style d’Il Balletto Di Bronzo qui se calque sur ELP. La démarche artistique cherche à adapter sérieusement au format rock l’héritage classique européen au risque de tomber dans le piège pompeux et grandiloquent. Risque qui provoque les départs de Marco Cecioni et Michele Cupaiuolo. Ce dernier est remplacé par le bassiste Vito Manzari.
Ce nouvel alignement pond en 1972 sur Polydor «Ys» où le chant est assuré par Gianni Leone. Ce second album met en avant le jeu époustouflant et indomptable du claviériste. La comparaison avec Keith Emerson est inévitable. Mais Gianni Leone se distingue par une touche méditerranéenne qui nous plonge dans le Naples de la renaissance. «Ys» se compose de cinq titres, une longue introduction, un épilogue presque aussi long et entre eux trois rencontres. Inspiré d’un conte médiéval celtique, «L’Histoire d’Ys», l’ensemble raconte l’aventure d’un homme qui navigue en mer trouble où il débarque sur trois îles («Primo Incontro», «Secundo Incontro» et «Terzo Incontro»). À chaque fois il croise la Faucheuse jusqu’à être confronté à sa propre mort. Dans un tel concept l’ambiance ne peut être que sombre, mystérieuse, pesante voire macabre. Le LP débute par «Introduzione» dépassant les 15 minutes. Des chœurs féminins fantomatiques nous entraînent dans un brouillard marin. Puis tranquillement s’installe l’orgue de Gianni Leone où sa voix est désespérée. La batterie sur un tempo jazz accompagne moog, orgue et piano. Le voyage se poursuit dans la tempête où la guitare de Lino Ajello cisèle un solo terrifiant aux propos acides et métalliques comme le seront les interventions du guitariste.Un mellotron vaguement inquiétant nous ramène en eaux calmes avant que l’atmosphère soit menaçante afin d’enchaîner sur un «Primo Encontro» malsain. Sorti de nulle part, Gianni Leone hurle pour introduire un «Secondo Incontro» à la fois désenchanté et colérique où l’île est traversée d’ouragans et d’orages afin de s’échouer sur un «Terzo Incontro» jazzy. La traversée continue par un festival de pianos incontrôlables dans «Epilogo» de plus de 10 minutes. Puis cela se termine dans un délire psychédélique obscur et cauchemardesque. Comme attiré vers le fond, Gianni Leone reprend ses droits avec son piano déjanté pour mieux nous absorber. Le succès est au rendez-vous et le quatuor s’attelle à la réalisation d’un troisième album.
Mais contre toute attente Il Balletto Di Bronzo se sépare l’année suivante ouvrant la voie à Gianni Leone pour une carrière solo sous le nom de Leonero. «Ys» deviendra au fil des ans un disque culte au point qu’il en sortira en 1992 une version anglaise. En 1999 Mellow Record publie «Trys» pour une version live de «Ys» suite à la résurrection des guerriers de bronze la même année avec comme seul membre d’époque Gianni Leone. À écouter sans modération.
Napoli Centrale
Dans les années 70, le jazz fusion initié par Miles Davis est l'affaire des anglo-saxon avec Weather Report, Return To Forever, Mahavishnu Orchestra et autres Brand X. Pourtant l'Europe continentale comptait aussi des groupes parmi les meilleurs du genre mais souvent relégués comme une curiosité de seconde zone. N'ayant rien à envier à leurs homologues d’outre-Atlantique, on peut citer Passport pour l'Allemagne ou Perigeo et Napoli Centrale pour l'Italie.
Napoli Centrale a été créé en 1975 par deux transfuges de Showmen groupe de rhythm & blues qui tenait dans ses rangs le saxophoniste Elio D'Anna futur Osanna et qui après deux albums en 1969 et 1972 se sépare: le batteur Franco Del Prete et le chanteur/saxophoniste James Senese. Ce dernier, né à Naples en 1945 est le fils d'un soldat afro-américain, James Smith, venu en Italie durant la seconde guerre mondiale. Complété par le claviériste américain Mark Harris et le bassiste anglais Toni Walmsley le quatuor prend pour nom la station de train de Naples un peu à la manière de PFM pour une boulangerie et BMS pour une banque. Rapidement le groupe entre en studio pour pondre un album éponyme sur Ricordi.
Napoli Centrale (Ricordi, Italie, 1975)
Les fans de rock progressif et de jazz fusion amateurs de mélanges explosifs ne regretteront pas l'acquisition de ce magnifique album! Ce premier opus est un habile mélange de musiques afro-américaines et de paroles napolitaines. Allant de Weather Report à Osanna, on obtient un excellent compromis entre jazz brutal et touche méditerranéenne. Écrit comme tel, ça peut refroidir mais le chant tribal comme possédé de James Senese qui par moment se déchire va rassurer les plus sceptiques. Ce 33-tours se compose de six titres. À l'exception de l'interlude rêveur «Pansione Floridiana» l'ensemble offre de longues pistes qui varient entre sept et dix minutes. Ça débute tranquille avec cette flûte timide dans «Campagna» puis tout s'emballe quand le saxophoniste chante la souffrance des paysans exploités par des propriétaires terriens sans scrupules. Dans «'A Gente E' Bucciano» se mélangent mélancolie et groove funk où sont évoqués les habitants de Bucciano, village de la Province de Caserte, qui migrent dans les grandes villes industrialisées du nord croyant à une vie meilleure. Migration, thème de nouveau évoqué dans «Viecchie, Mugliere, Muorte, e Criaturi» où la basse et les claviers répètent un motif pesant et menaçant qui dépeint des villages qui se vident, crient famine et se meurent. «Vico Prime Parise n°8» se montre plus délirant et expérimental où les instruments interagissent décrivant paraît-il l'adresse où vivait un temps James Senese. L'album se termine avec le calme «'O Lupo s’Ha Mangiato ‘a Pecurella» plus mystérieux avec des effluves de folklore napolitain sur fond d'animation de quartier en plein marché aux poissons. Un début fracassant qui permet à Napoli Centrale de participer la même année au prestigieux festival de jazz de Montreux.
Mattanza (Ricordi, Italie, 1976)
Après un album réussi, Napoli Centrale voit le départ Toni Walmsley et Mark Harris. Ce dernier offrira ses services pour Mia Martini, Eros Ramazzotti, Al Jarreau, Dee Dee Bridgewater... Malgré ces déconvenues James Senese publie un nouvel opus en 1976 sur Ricordi intitulé «Mattanza». Pour cet effort il est toujours assisté de Franco Del Prete mais aux percussions (pour certains titres) laissant sa place à Agostino Marangolo futur batteur de Goblin mais également à Bruno Biriaco membre de Perigeo. Le line-up se complète de Giuseppe Guarnera au piano électrique et Kelvin Bullen à la basse. D'apparence instable, Napoli Centrale offre un excellent album plus mature, toutefois moins attachant que le 33-tours précédent. Ce qui faisait le charme de «Napoli Centrale» était cette délicieuse fusion de jazz brutal et de touches méditerranéennes. Ces ingrédients sont présents dans «Mattanza» mais dans une moindre mesure. Car l'album est entrecoupé de titres jazz rock standards de bonne facture avec les instrumentaux «Sotto A' Suttana», «Sotto e'n Coppa» et «Forse sto capenno» mais également dans «Sangue Misto». La présence d'Agostino Marangolo et Bruno Biriaco venus prêter main forte y est sûrement pour quelque chose. Malgré cela, James Senese toujours possédé tient à chanter en Napolitain son désespoir et sa colère sur la souffrance sociale et ces migrants qui abandonnent dans la douleur leur vie passée, thèmes récurants chez le saxophoniste. Tout particulièrement dans l'interlude «’O nonno mio» où sont évoqués les derniers mots d'un vieillard mourant sur fond de guitare acoustique désenchantée mais également dans «Simme Iute e Simme Venute». Ce titre d'ouverture reprend les choses là où elles avaient été laissées dans le LP précédent. On se retrouve dans une fiesta napolitaine en plein marché aux poissons où ça discute, hurle, siffle. Puis dans un jazz fusion le leader part dans un trip tribal. La pièce de choix est sans conteste «Sangue Misto» dépassant les treize minutes où se mélangent moment de calme trompeur, accélérations agressives et free jazz. Cette piste montre l'influence majeure de James Senese: John Coltrane. L'album se termine par «Chi Fa L'arte E Chi S'accatt » aux paroles violentes.
Qualcosa Ca Nu' mmore (Ricordi, Italie, 1977)
Il s'agit du troisième et denier album de Napoli Centrale avant son retour en 1992. Le groupe se stabilise avec le saxophoniste d'origine afro-américaine James Senese, Franco Del
Prete revenu à la batterie et Giuseppe Guarnera au piano. Le trio s'adjoint les services d'Alfonso Adinolfi aux percussions. Constitué de six pistes, «Qualcosa Ca Nu' mmore» s'ouvre avec «'O Nemico Mio». Entre une batterie free et un James Senese plaintif en pleine transe on pressent que le groupe tente un retour à l'album éponyme publié il y a deux ans. Mais le délire passé on comprend rapidement que l'on a affaire à un album de jazz à la sauce méditerranéenne débarrassé de fusion et de rock. Certes, il y a bien une basse assurée par un certain Ngtù Mabutu qui court mais entre rythmes coltrannien au piano, sax à la Sonny Rollins et percus aux saveurs exotiques, Napoli Centrale se préserve d'un prog qui prend une tournure pop à la variété indigeste. Ce sera le seul titre où apparaît la basse. Car dans l'ensemble, les musiciens se sont débarrassés d’instruments électriques. Le piano Fender Rhodes a été remplacé par un piano classique. Seul subsiste quelques rares apparitions discrètes d'orgue hammond. L'album offre de bons moments tout particulièrement dans «O Specchio Addo' me Guardo» avec quelques plans à la Frank Zappa et le mélancolique «A Musica Mia Che r'e'» où James Sinese se montre désespéré. À Noter que ce 33-tours marque le début discographique de Ngtù Mabutu qui est en fait le pseudo de Pino Dianele. Ce dernier deviendra populaire en Italie peu de temps après dans un registre pop blues napolitain. Bien le contraire de ce que souhaitait James Sinese qui se lance dans une carrière solo.
Alan Sorrenti
Alan Sorrenti est un chanteur très populaire en Italie. Né en 1950 à Naples, il réside durant sa jeunesse au Pays de Galles, sa mère étant galloise. Avant de connaître le succès, le napolitain se fait connaître dans la sphère progressive. Il débute sa carrière discographique avec «Aria» en 1972 sur le label Harvest (Pink Floyd, Deep Purple, Barclay James Harvest...) où il s'entoure du batteur Tony Esposito, du bassiste Vittorio Nazzaro, du claviériste Albert Prince, du pianiste Luciano Cilio, du contrebassiste Tony Bonfils, du trompettiste André Lajdi, du tromboniste Jean Costa et Martin Paratore à la guitare acoustique ainsi que d'un invité de marque.
Aria (Harvest, Italie, 1972)
Attention chef-d’œuvre! Un incontournable du prog italien au même titre que «Felona E Sorona», «Isola Di Niente», «Io Sono Nato Libero», «Ys» ou encore «Palepoli». Ce 33-tours se divise en deux parties bien distinctes: le titre éponyme qui occupe la face A et trois titres que l'on retrouve en face B. Assurant également les parties de guitare acoustique, Alan Sorrenti pour ce premier essai propose un rock progressif aux orientations folk et psychédéliques loin de la surenchère symphonique et pompeuse dont nous habituent les géants du prog transalpin. Bien évidemment la piste la plus attractive est la pièce élastique en ouverture qui dépasse les 19 minutes. Beau morceau de bravoure avant-gardiste qui évoque les délires de Tim Buckley, où la voix émotive, écorchée vive, plaintive, douloureuse de l'italo-gallois rappelle celle de Peter Hammill. Ça débute par un vent glacial laissant place à des guitares acoustiques. Puis arrive un violon assuré par l'invité de marque qui n'est autre que le français Jean Luc Ponty. De l'ambiance celtique pastorale on passe par une atmosphère dramatique et pesante à la Van der Graaf Generator, grâce à l'orgue hammond. Quand un piano mélodique nous libère de cette pression pour nous plonger dans un décor irréel et hispanique. C'est Mike Oldfield avant l'heure lorsque des cuivres nous baladent dans un hymne kaléidoscopique qui se termine dans un déluge sonore. La suite est magnifique avec le mélancolique «Vorrei Incontrarti» où la voix délicate de Sorrenti s'accompagne d'un accordéon automnal. «La Mia Mente» prend une tournure jazz sous acide où les cuivres rappellent «Circus» de King Crimson et la basse fait VDGG tout comme «Un Fiume Tranquillo» plus intense et qui termine l'album avec une bonne exploitation des synthés. «Aria» est considéré comme faisant partie des 100 meilleurs albums de rock progressif italien.
Come Un Vecchio Incensiere All' Alba Di Un Villaggio Deserto (Harvest, Italie, 1973)
Avec son second album publié en 1973, Alan Sorrenti atteint l’expérience vocale la plus extrême, la plus complexe et la plus brutale rappelant toujours Peter Hammill. Si la structure de «Come Un Vecchio» et quasi similaire à «Aria», une longue piste qui occupe toute une face et de courtes chansons pour le reste, ce second opus est plus difficile d’accès. Enregistré à Londres, le napolitain embarque le batteur Tony Esposito, le pianiste Mario D'Amora ainsi que les violonistes Toni Marcus et Victor Bell. Sur place, il se fait aider à la flûte par David Jackson du VDGG, au synthé par Francis Mokman de Curved Aid et à la contrebasse par Ron Mathewson, musicien de studio dans le monde du jazz. C'est en première face que l'on trouve les courtes pièces, cinq au total pour une moyenne de quatre minutes («Angelo», «Serenesse», «Una Luce Si Accende», «Oratore» et «A Te Che Dormi»). Menés par la guitare acoustique, ces titres sont souvent traversés de mélancolie où les violons se montrent automnaux, où la voix de Sorrenti souvent dissonante nous entraîne dans quelques folies passagères. Encore une fois la piste la plus attractive est le titre élastique en face b. Éponyme, il dépasse les 23 minutes. Malheureusement ce dernier va souffrir de la comparaison avec la longue piste de «Aria» car trop brouillon, trop expérimental et manquant de cohérence. Les premières minutes rappellent les expériences délirantes sous acide de Robert Wyatt dans «The End Of An Ear» tant dans les vocalises que dans l'exploitation du piano et des percus. Quand au bout de dix minutes la voix désespérée de l'italo-gallois, accompagnée de sa guitare acoustique nous libère de ce cauchemar. Mais le ton devient rapidement dramatique et pesant. Francis Mokman avec son clavier nous plonge dans des contrées célestes. Puis tout devient confus jusqu'au retour de la guitare acoustique libératrice pour un final plus accessible.
Terminées les expériences sous acide, finis les titres élastiques. Pour son troisième album, Alan Sorrenti propose un rock progressif plus accessible, plus pop à l'image du titre d'ouverture «Un Viso Dinverno» très festif malgré des vocalises qui rappellent Robert Wyatt. Sa voix reste d'une beauté effroyable qui dérange par endroit mais il n'est plus nécessaire de la comparer avec celle de Peter Hammill, excepté peut-être dans le dramatique «Sulla Cima Del Mondo». Pour ce disque éponyme composé de sept titres, le napolitain s'adjoint les services du batteur/percussionniste Toni Esposito, le bassiste Nero Limone, le pianiste Mark Harris ex-Napoli Centrale ainsi que Vincenzo Castella à la mandoline et Ettore Di Carolis aux arrangements. Dans l'ensemble ce 33-tours reste homogène mais il n'est franchement pas indispensable car il souffre de moments faibles comme «Dicitencello Vuje» et «Poco Più Piano» qui flirtent avec la variété. On retiendra toutefois «Ma Tu Mi Ascolti» longue balade folk torturée qui évoque CSN&Y. Dans «Microfoni Assassini» Alan Sorrenti chante ses concerts difficiles où le public lui envoyait bouteilles de verre, pierres et autres fruits pourris. Le disque se termine par le magnifique «Incrociando Il Sole» où le piano élabore une belle mélodie qui se répète à souhait. Alan Sorrenti reviendra deux ans plus tard mais abandonnera toute référence au prog pour élaborer une pop entre disco et variété. Il connaîtra le succès avec «Non So Che Darei» où il représentera l'Italie à l'Eurovision en 1980. Il est toujours en activité.
Saint Just
Trio napolitain créé au début des années 70 en prenant le nom d’un révolutionnaire français, Saint Just s’articule autour de Robert Fix au saxophone, Antonio Verde à la guitare acoustique et à la basse ainsi que Jenny Sorrenti au chant. Cette dernière est la sœur d’Alan Sorrenti, célèbre pour le chef-d’œuvre «Aria». Tout comme son frère, elle a résidé durant son adolescence au Pays de Galles. Aidé de Mario D’Amora au piano et à l’orgue, Tony Esposito à la batterie et Gianni Guarracino à la guitare électrique ainsi que d’Alan Sorrenti, Saint Just publie un album éponyme en 1973 sur le label EMI.
Saint Just (EMI, Italie, 1973)
Composé de six pistes, ce premier album met en évidence la voix aiguë haut perchée de Jenny Sorrenti. Mais il faut bien l’avouer, plusieurs écoutes sont nécessaires pour apprécier cette voix qui fait de Saint Just un groupe unique de la scène progressive italienne. Musicalement, nous sommes loin de la surenchère symphonique et pompeuse du prog transalpin. Le trio mise sur un rock progressif aux orientations folk et psychédélique, d’un surréalisme rêveur et d’une esthétique sensible et irréelle. Les fans de Renaissance peuvent y trouver leur compte. L’album se coupe en deux parties. La première en face A qui dans l’ensemble invite à la méditation. La seconde en face B se révèle plus torturée, voire complètement déjantée. Ça débute par le long «Il Fiume Inondò» dépassant les dix minutes avec une guitare acoustique et un piano qui timidement élabore une mélodie dramatique. Puis après un bref passage angoissant, la chanteuse italo-galloise montre tout son talent quand vient un saxophone délicieusement vaporeux et une batterie galopante faisant monter la pression. La six cordes électrique cisèle de beaux soli sous acides et l’orgue se montre kaléidoscopique jusqu’au retour du piano mélodieux accompagnant la voix de Jenny Sorrenti. «Il Risveglio» se montre plus mystérieux et corrosif en intro mais laisse place à une belle séquence pastorale avant que n’arrive «Dolci Momenti», la piste la plus calme, la plus douce. Douceur que l’on retrouve au début de «Una Bambina», morceau long de près de huit minutes. Au début! Car la suite devient tribale, limite expérimentale. On est dans le même registre avec «Triste Poeta Di Corte» un brin jazz. Cet opus se termine par le titre éponyme chanté en français ce qui avec l’accent italien donne un certain charme.
La Casa Del Lago (EMI, Italie,1974)
Peu de temps après la sortie du premier album, Robert Fix quitte Saint Just. Jenny Sorrenti et Antonio Verde intègrent Tito Rinesi (chant, harmonica, guitare, autoharp), Andrea Faccenda (piano, orgue) et Fulvio Maras (batterie). Ce nouveau line-up pond en 1974 «La Casa Del Lago» composé également de six titres. Si ce second opus est une bonne suite au 33-tours précédent, il apparaît plus complexe à l’image de «Nella Vita, Un Pianto» que les fans de Mike Oldfield peuvent apprécier. Entre une intro pastorale et une fin dramatique aux saveurs ibériques, cette piste nous plonge dans une folie enivrante avec quelques séquences musclées à la batterie. Folie que l’on retrouve dans «Viaggio Nel Tempo» qui sent les grands espaces par ses effluves country ainsi que dans la chanson éponyme un brin jazzy. Quant à «Messicano», il offre de belles parties d’harmonica et de six cordes électrique acid rock. Dans l’ensemble ce disque est un beau mélange de folk méditerranéen et d’ambiance celtique grâce à l’autoharp qui résonne comme un violon. «La Casa Del Lago» s’ouvre avec le champêtre «Tristana» et se termine dans la tranquillité avec le folk «La Terra Della Verità» où le chant lead est assuré par Tito Rinesi. Hélas, peu de temps après vient le temps des désillusions et des séparations. Jenny Sorrenti entame par la suite une discrète carrière solo. Les deux albums de Saint Just ont été réédités en CD par Mellow Record en 1994.
Fabio Celi E Gli Infermieri
Folia (Studio 7, Italie, 1973)
Il s'agit de l'unique album d'un groupe obscur de la métropole napolitaine, plus exactement San Giorgio A Cremano, mené par l'organiste/chanteur Antonio Cavallaro alias Fabio Celi. Ce dernier s'entoure de Luigi Coppa à la guitare, Rino Fiorentino à la basse, Roberto Ciscognetti à la batterie et Circo Ciscognetti également aux claviers. Le quintet sort un single en 1968 sous le nom de Fabio Celi & E i Pop avant de se baptiser Fabio Celi E Gli Infermieri l'année suivante pour l'enregistrement de «Folia». Nous sommes en 1969, «Folia» peut donc être considéré comme le départ du prog transalpin. Sauf que ce 33-tours ne sort qu'en 1973 sous le label napolitain Studio 7, bien après les fondateurs du genre que sont Le Orme, Banco, PFM et autre Osanna. La sortie tardive est sûrement liée aux paroles jugées scandaleuses à l'époque. D'ailleurs, on peut lire sur certaines pochettes en vente «Disco Censurato Dalla R.A.I.» (disque censuré par la R.A.I.). Constitué de 6 titres allant de cinq à six minutes, ce LP controversé offre un heavy rock aux saveurs méditerranéennes qui hésite entre prog et psyché où domine le duo d'orgue (hammond et farfisa trafiqué). Ce disque est facilement comparable aux Doors, Vanilla Fudge, Deep Purple Mk1, Iron Butterfly mais également Nice pour ses dérives symphoniques au piano. Fabio Celi et sa bande de psychopathes semblent nous enfermer dans un asile psychiatrique à croiser un artiste sadique («L'Artista Sadico»), un président en délire («Il Presidente» une des pistes les plus progressive), où l'on pend facilement «Il Capestro» (qui signifie nœud coulant). Le 33-tours s'ouvre avec le titre éponyme et son orgue cosmique en intro, traversé de fous rires inquiétants. La pièce de choix est la piste qui conclut l'album: «Distruzione» très progressif, à la fois mélancolique et dramatique avec de belles mélodies au piano ainsi que de spectaculaires montées en puissance. Interdit de radio et de télévision, la vente de «Folia» fut confidentielle au point de devenir culte et une rareté au prix inabordable. Malgré un passage au festival d'avant-garde de Naples en 1973, viendra le temps des désillusions et des séparations. «Folia» a été réédité en CD en 1996 par le label Mellow agrémenté de bonus provenant d'un single enregistré en 1971.
Uno
Uno (Fonit Cetra, Italie, 1974)
Déchiré sur la direction à prendre, Osanna se sépare en 1974 peu de temps après la sortie de «Landscape Of Life Rating». Lino Vairetti et Massimo Guarino s'en sont allés reformer Città Frontale. De leur côté, Danilo Rustici et Elio D'Anna épaulés par le batteur Enzo Vallicelli forment Uno. À la demande du label Fonit Cetra, le trio part au Trident Studio de Londres où a été enregistré «Dark Sade Of The Moon» afin de pondre un album éponyme. Ce «Uno» offre sept titres qui alternent chant en anglais et chant en Italien. C'est Danilo Rustici qui assure le chant et il faut bien l'avouer, ce dernier peine à convaincre lorsqu'il chante dans la langue de Shakespeare. De plus on a la curieuse sensation qu'il veut imiter Lino Vairetti. Dans l'ensemble les pistes sont courtes. Ça débute tranquillement dans la grande tradition du prog transalpin mais le mélange de Jethro Tull, Hendrix et de Beatles mal inspiré ne prend pas. Se suivent ainsi des titres quelconques sans prétention jusqu'à ce qu'arrive la suite qu'est «Uomo Come Gli Altri» et «Uno Nel Tuto». Avoisinant les douze minutes, on retrouve la magie perdue d'Osanna. Débutant dans un registre folk, ça vire dans un hard rock sophistiqué et un jazz brutal quand arrive une séquence atmosphérique hélas gâchée par un court passage en anglais. «Uno» sera un échec artistique et commercial. Après un tel résultat, on ne peut que regretter la disparition d'Osanna et espérer une reformation. Danilo Rustici et Elio D'Anna splittent Uno et forment avec les rescapés de Cervello, Nova pour une orientation jazz-rock/fusion.
Città Frontale
El Tor (Fonit Cetra, Italie, 1975)
Après la sortie de «Landscape Of Life Rating», Danilo Rustici et Elio D'Anna partent à Londres former Uno. De leur côté, Lino Vairetti et Massimo Guarino ressuscitent Città Frontale. Épaulés par le saxophoniste/flûtiste Enzo Avitabile, du guitariste Gianni Guarracino, du claviériste Paolo Raffone et du bassiste Rino Zurzulo, ils pondent en 1975 sur Fonit Cetra «El Tor». Ce 33-tours parle d'un révolutionnaire nommé El Tor qui voyage à travers le monde pour imposer ses idées et finit par tuer au nom de la religion. Se noyant dans les multitudes de disques de prog transalpin, ce concept-album est un bel objet mais est loin d'égaler les chef-d’ œuvres comme «Felona E Sorona», «Isola Di Niente», «Ys» et bien sûr «Palepoli». Fait de huit pistes, «El Tor» se différencie d'Osanna par une musique moins torturée et moins sauvage malgré des paroles douloureuses et dramatiques. À l'évidence Città Frontale prend peu de risque pour pondre un rock progressif pastoral, champêtre, bucolique, mélancolique comme le montrent la chanson éponyme ou l'instrumental «Alba Di Una Citta» décrivant une ville qui se réveille. Puis s’enchaîne «Solo Uniti» dans un esprit big band. Loin des excès à la Van der Graaf qui caractérisaient Osanna, ici on peut évoquer Genesis. Parfois ça sent les grands espaces avec «La Casa Del Mercante Sun» et cet harmonica à la Neil Young. Mais deux titres vont faire la différence pour un tour de force spectaculaire «Duro Lavoro» dépassant les huit minutes et l'instrumental «Mutatione» de plus de six minutes. «Duro Lavoro» débute avec une guitare acoustique et une flûte feutrée puis déboulent breaks et contre breaks proches des délires de Frank Zappa. «Mutatione» est un jazz-rock rappelant Soft Machine ou plus proche des napolitains, Area et Perigeo. Hélas, «El Tor» est un échec commercial provoquant la séparation de Città Frontale. L'occasion peut-être de reformer Osanna.
Cervello
Melos (Ricordi, Italie, 1973)
Attention chef-d’œuvre! Un des meilleurs albums de prog italien à classer entre «Felona E Sorona», «Isola Di Niente», «Io Sono Nato Libero», «Ys» ou encore «Palepoli». Cervello se crée au début des années 70 à l’initiative du guitariste Corrado Rustici à peine âgé de 16 ans. Ce dernier n'est autre que le frère de Danilo Rustici guitariste d’Osanna. Il est rejoint par le chanteur Gianluigi Di Franco, le batteur Remigio Esposito, le saxophoniste/flûtiste Giulio D’Ambrosio et le bassiste Antonio Spagnolo. Le quintet publie en 1973 un album sur Ricordi intitulé «Melos» qui en grec signifie mélodie. Encore une fois il s’agit de rappeler que la cité de Naples a été fondée durant l’antiquité par des marins grecs. Pour le coup, Melos débute de manière théâtrale avec «Canto Del Capro» par ces sonorités sombres et kaléidoscopiques qui soutiennent des voix inquiétantes à l’unisson laissant place à des muses. Quand la voix saturée de Gianluigi Di Franco explose en pleine dramaturgie. Le décor est planté, le mélomane est invité à un voyage initiatique en sept actes et ce sans claviers! Pouvant passer pour sacrilège dans un prog qui se veut symphonique à outrance et pompeux, Cervello se distingue en misant sur la voix plaintive pleine de lyrisme de Gianluigi Di Franco, la flûte feutrée de Giulio D’Ambrosio et le jeu destructeur de Corrado Rustici à la six cordes électrique qui doit plus à Hendrix mais surtout à John McLaughlin et à Larry Coryell qu’à Robert Fripp. Le guitariste timide dans «Canto Del Capro» révèle tout son talent dans «Trittico», «Euterpe» et «Scinsione T.R.M» ainsi que le titre éponyme. Faisant preuve d’une certaine maturité malgré leur jeune âge, les musiciens proposent un prog aux orientations folk méditerranéen et jazz-rock puissant le tout dans une ambiance dramatique, désenchantée et rêveuse par endroit. «Melos» se termine par «Galassia» où le sax rappelle Van der Graaf Generator et le court «Affresco». Malheureusement ce premier essai ne rencontrera pas le succès mérité provoquant l’année suivante la séparation de Cervello. Après un passage dans Osanna, Corrado Rustici part en 1975 pour Londres retrouver son frère et le saxophoniste Elio D’Anna et tenter l’aventure avec Nova.
Nova
Quand le prog napolitain s’internationalise! Après l’échec d’Uno le guitariste Danilo Rustici et le saxophoniste Elio D’Anna séjournent à Londres et forment Nova en 1975. Les deux protagonistes font venir de Naples le guitariste Corrado Rustici ex-Cervello ainsi que le milanais Luciano Milanese à la basse et l’ex-Circus 2000 Franco Loprevite à la batterie. Aidé par Pete Townshend et le parolier Nick J.Sedwick (qui a également écrit les paroles d’Uno), le quintette publie sur Ariston en 1976 un premier album nommé «Blink».
Blink (Ariston, Italie, 1976)
Dès les premiers accords de «Tailor Made» qui ouvrent ce premier opus, le ton est donné. Nova offre un jazz rock puissant où les influences sont plus à chercher sur le nouveau continent. Certes la guitare acoustique de Corrado Rustici et la flûte d’Elio D’Anna sentent la Méditerranée tout particulièrement dans «Something Inside Keeps You Down» mais les musiciens abandonnent le chant en italien pour l’anglais (assuré par Corrado Rustici) et tournent le dos au folk transalpin. Nous sommes loin des aspirations d’Osanna et Cervello comme le prouve le début de «Tailor Made» qui rappelle l’accord fracassant de «Long Train Runnin’» des Doobie Brothers. «Blink» se compose de six titres qui s’enchaînent sans temps mort avec pour orientation un funk rock destructeur qui sent l’urgence. En effet entre sax agressif et soli de six cordes électriques époustouflants, ici pas de temps à perdre, pas le temps de souffler. Exception faite pour «Something Inside Keeps You Down» à l’intro vaporeuse quelque peu exotique et qui vire à l’ambiance atmosphérique. Mais c’est pour mieux s’emballer avec l’instrumental atomisant «Nova» qui suit. Le reste est du même calibre avec «Used To Be Easy» et «Toy» autre instrumental. L’album se termine par un long «Stroll On» à en perdre haleine. Bref, il s’agit d’un véritable tour de force réalisé avant l’arrivée de Brand X et que les fans de Mahavishnu Orchestra peuvent apprécier. Peu de temps après, Danilo Rustici repart pour Naples convaincre Lino Vairetti de reformer Osanna. Luciano Milanese et Franco Loprevite quittent également le navire. Nova devient donc l’affaire d’Elio D’Anna et Corrado Rustici. Malgré ces déconvenues, des invités de marque vont prêter main forte à ces italiens qui n’ont plus rien à prouver.
Vimana (Arista, Italie, 1976)
Peu de temps après la sortie de «Blink», Danilo Rustici repart pour Naples pour espérer reformer Osanna. Luciano Milanese et Franco Loprevite quittent également Nova. Se retrouvant seuls, Elio D’Anna et Corrado Rustici recrutent rapidement aux claviers Renato Rosset ex New Troll Atomic System. Le trio commence l’écriture d’un nouvel album. Séduits par un «Blink» fracassant, le batteur/percussionniste Phil Collins et le bassiste Percy Jones qui viennent de créer Brand X prêtent main-forte à ces italiens audacieux. Ils sont suivis du batteur Narrada Michael Walden et du percussionniste Zakir Hussein. Cette rencontre accouche de «Vimana» le second opus. Si «Blink» sentait l’urgence pour «Vimana», toujours dans un registre jazz-rock, Nova lève le pied. Certes les soli de la six cordes électrique de Corrado Rustici sont toujours aussi époustouflants mais le napolitain abandonne les rythmiques funk rock surpuissantes pour des accords cristallins et atmosphériques. Quant à sa voix elle se fait plus sensuelle, plus posée un brin mélancolique loin de la nervosité d’un «Stroll On» à en perdre haleine. Fait de six titres, ce 33-tours attachant alterne instrumentaux (le titre éponyme, «Poesia To A Brother Gone» et «Princess And The Frog») et chansons («Night Games», «Thru The Silence» et «Driftwood»). L’album s’ouvre avec la piste éponyme par une guitare au parfum méditerranéen puis le sax s’emballe à la Van der Graaf et la basse de Percy Jones apporte un bon groove. Mais dans l’ensemble cette pièce alterne allègrement les tempos et laisse place à la superbe ballade qu’est «Night Games», dépassant les neuf minutes. Les claviers apportent de la profondeur et les breaks sont magnifiques. Dans «Poesia To A Brother Gone» la guitare acoustique accompagne une flûte rêveuse et de belles mélodies au piano par moments dramatiques. «Thru The Silence» se montre plus boosté aux saveurs funk exotiques. «Driftwood» de plus de dix minutes se calque sur «Night Games», avec toutefois des breaks heavy et dissonants. Le LP se termine par «Princess And The Frog» ressemblant à Santana fin 70’s. Une belle réussite qui oblige Elio D’Anna, Corrado Rustici et Renato Rosset à grossir les rangs et stabiliser le groupe pour poursuivre l’aventure Nova.
Wings Of Love (Arista, Italie / Angleterre, 1977)
Elio D’Anna, Corrado Rustici et Renato Rosset après à la réussite de «Vimana» recrutent le batteur Ric Parnell ex Atomic Rooster et le bassiste Barry Johnson. Cette nouvelle formation pond en 1977 «Wings Of Love» le troisième album de Nova. Fait de huit pistes pour une moyenne de six minutes, ce nouvel opus est un bon compromis des deux 33-tours précédents. En effet, le groupe renoue avec le funk de «Blink» moins agressif toutefois et la sophistication de «Vimana». Ayant trouvé un bon équilibre, le quintette propose un jazz rock plus accessible, moins complexe, plus direct, voire plus commercial à l’image «Inner Star» chanté par Barry Johnson. L’album s’ouvre avec le titre éponyme où Corrado Rusticci toujours sensuel partage le chant avec le bassiste au timbre plus groove. Le début de ce titre fait Mahavishnu Orchestra par les arpèges de guitare accompagnés d’une flûte envoûtante. Suit «Marshall Dillion» un instrumental bien boosté qui sent l’urgence laissant place à «Blue Lake» plus atmosphérique aux saveurs asiatiques. Arrive «Beauty Dream Beauty Flame» autre instrumental plus tranquille celui-ci, au parfum méditerranéen entre guitare acoustique, flûte rêveuse et piano mélodieux. «Golden Sky Boat» plus tendu varie les tempos et «Loveliness About You» est une jolie balade. «Wings Of Love» se termine avec «Last Silence» un instrumental jazz-rock plus standard. Un album qui laisse entrevoir une belle suite.
Sun City (Arista, Italie / Angleterre, 1978)
Avec la sortie de «Wings Of Love», Nova semble avoir trouvé une certaine stabilité et la direction musicale à prendre. Le groupe quitte Londres pour les États-Unis en 1978 pour l’enregistrement du quatrième album intitulé «Sun City». Si ce nouvel opus est à l’évidence une suite au 33-tours précédent il est loin d’atteindre le niveau de ce dernier. En effet, les musiciens pondent un album court dépassant à peine les trente-six minutes découpées en neuf chansons (aucun instrumental ici) pour une moyenne de quatre minutes. D’inspiration jazz rock «Sun City» vire au pop et au commercial à l’image de «Illusion», «Fantaisies» et «Lean On Me» à l’orchestration pompeuse pour ce dernier. On est loin des soli de guitare époustouflants, de pistes sophistiquées, des saveurs méditerranéennes. Toutefois ce disque n’est pas à dénigrer car il offre de bons moments comme «Morning Flight» en ouverture (la piste la plus longue, six minutes), «Modern Living» (avec quand même un super solo de Corrado Rustici, le «Solo» de ce Lp !), «Light Were My Years», «Sailors» et «Starchild» qui clôt ce disque. Par la suite Nova se sépare. Ric Parnell deviendra l’un des batteurs malheureux dans le film «Spinal Tap». Corrado Rustici débutera une carrière de musicien, auteur et producteur très prolifique en collaborant avec des artistes comme Herbie Hancock, Whitney Houston, Aretha Franklin, George Benson, Elton John, Al Jarrau, Jefferson Starship mais surtout Zucchero. Il est possible de trouver en version CD les albums de Nova mais seulement en import japonais.