Après avoir fait leur «classe» avec le E.P. «Living With Loss» les musiciens de Head with Wings, une formation originaire du Connecticut, sont revenus à la charge avec une belle surprise sous la forme d'un premier album intitulé «From Worry to Shame» que le chanteur et guitariste Joshua Corum place sous le signe de «l'alternatif progressif». Petite conversation avec Joshua histoire d’en savoir plus sur ce groupe qui nous visitera le 17 mai prochain dans le cadre du festival Terra Incognita.
T.I. : Pouvez-vous nous résumer le parcours du groupe?
J.C. : Brandon et moi nous nous sommes rencontrés en 2007. Mais nous n'avons commencé à «jammer» ensemble qu'en 2009. J'étais à la recherche de mon son et de mon style de jeu à la guitare et ,à cette époque, Brandon jouait des claviers et ce même s'il jouait de la guitare depuis son enfance. Je situe donc le début de la première phase de Head with Wings à 2009. Une formule éphémère. Pendant quelques années Brandon a mené ses projets pour mieux revenir à la fin de 2011. Je venais tout juste de réaliser un album avec Frank Sacramone de Earthside. Le projet a pour nom Burning Sideways et l'album a pour titre «Feet of Clay». Brandon était fan de ce projet. Avec Frank comme réalisateur, Brandon et moi à la guitare et au chant, Joe Elliott à la basse et Andrew Testa à la batterie c'est le début du son de Head of Wings tel qu'on le connaît aujourd'hui. Nous avons composé et enregistré le E.P. «Living with Loss» sur une période de six mois en 2012. Travailler sur ce E.P. avec Frank et Jamie Van Dyck nous a vraiment aidé à jeter les fondations sur lesquelles avons pu construire notre album et à consolider notre philosophie de travail. L'implication de Joe et Andrews était toute naturelle car nous avions fait partie tous les trois de Sun Showers, un groupe en quelque sorte précurseur du son Head with Wings. Aujourd'hui le groupe est constitué de Brandon Cousino à la guitare, de Steve Hill à la basse, Andrew Testa à la batterie, Mike Short à la guitare et de moi-même au chant et à la guitare.
T.I. : Vous n'en étiez donc pas à votre première expérience studio!
J.C. : «From Worry to Shame» est notre premier véritable album mais notre E.P. «Living with the Loss» a été notre première expérience en studio en tant que groupe. Personnellement ma toute première expérience dans un studio professionnel a été en 2011 pour Burning Sideways, le projet de Frank Sacramone où j'ai chanté sur quatre de ses compositions. Puis nous avons enregistré «Living with the Loss» sur une période de 12 ou 13 jours. Nous avons passé plusieurs années à travailler sur «From Worry to Shame». Beaucoup de va-et-vient dans différents studios entre 2014 et 2017. Nous avons construit notre propre studio en 2016 pour enregistrer la guitare et le chant. La ré-amplification de la guitare a été faite en Suède par David Castillo (Leprous, Katatonia, Opeth) et le mixage et le mastering ont été fait en Australie par Forrester Savell (Karnivool, Skyharbor, Cog).
T.I. : Quels groupes vous inspiraient à vos débuts?
J.C. : Au fil des ans mes sources d'inspirations ont changé. Il y a eu des groupes comme Incubus, Tool, Deftones, Chevelle, Hurt, System of A Down et Sevendust qui m'ont motivé à continuer à explorer mon potentiel durant mon adolescence, disons entre 13 et 17 ans. Puis j'ai été fasciné par la scène alternative et le métal. Durant mes années de collège, alors que j'avais entre 18 et 22 ans, j'écoutais des groupes qui étaient plus dans une veine progressive comme Radiohead, Porcupine Tree, Opeth. Mew, Kayo Dot, Mastodon et Minus the Bear . Toutes ces musiques m'ont donné l'impulsion dont j'avais besoin pour trouver mon son de guitare, un instrument que j'ai commencé à apprendre à l'âge de 18 ans. Elles m'ont aussi aidé à développer mon approche du chant.
T.I. : Si vous deviez choisir une étiquette pour décrire la musique de Head with Wings quelle serait-elle?
J.C. : Je pense qu'en ce moment l'étiquette de «alternative/progressive» est probablement la meilleure pour notre musique. Nous puisons à même tous les styles de musique qui nous font vibrer mais nous essayons aussi de ne pas trop y songer. Ceci dit, après avoir travaillé ensemble une bonne partie de la décennie, nous comprenons ce qu'à signifie d'être «nous». En publiant un disque qui s'est frayé un chemin dans les sphères du prog nous avons découvert que les fans de musique mélancolique, sombre ont des atomes crochus avec nos pièces. Nous avons découvert qu'il y avait pas mal de gens qui, tout comme nous, veulent voir et écouter des groupes dans la veine de Karnivool, Our Oceans, Cog and Dredg qui ont émergé de la scène rock des années 90 ou de la scène de métal alternatif des années 2000. Nous n'avons été que le «vaisseau» apportant cette musique. Ces amateurs ne sont pas nécessairement connectés sur le «mainstream». Nous avons donc trouvé des façons de les rejoindre par le biais des média de musique en ligne, des médias sociaux et le labyrinthe que peut être les blog musicaux sur le web. Sans oublier les façons traditionnelles comme les concerts et le bouche à oreille.
T.I. : Quelle est l'origine du nom du groupe?
J.C. : Le nom du groupe nous a été inspiré par le titre d'une chanson de Morphine, le génial groupe de «low rock» des années 90. Elle a pour titre «A Head with Wings». Morphine était un groupe qui puisait à même le côté sombre de la vie et ce faisant a aidé beaucoup de personnes à comprendre leurs propres douleurs. Musicalement nous ne sommes pas tellement dans le même style. C'est plutôt les thèmes et les paroles qui nous lient. Nous espérons que les gens vont percevoir le nom du groupe comme une affirmation qu'il faut avoir la volonté de tenir tête à ce qui nous déprime dans la vie.
T.I. : Dernièrement on a pu vous entendre chanter sur trois pièces de l’album «Planet Junkie» du groupe franco-britannique Drifting Sun? Dans quelles circonstances avez-vous été amené à collaborer avec ce groupe?
J.C. Pat Sanders m’a contacté sur Facebook en janvier dernier. Il avait écouté notre album «From Worry to Shame» et apparemment ça lui a pris seulement trois minutes d’écoute pour qu’il réalise qu’il voulait que je chante sur une pièce. Je n’avais jamais entendu parler de Drifting Sun avant qu’il ne me contacte mais je suis content d’avoir pris le temps de comprendre ce groupe. J’ai toujours voulu travailler sur un projet disons un peu plus traditionnel ou néo prog parce que c’est complètement différent de mon principal projet qui est dépourvu de piano. La première pièce qu’il m’a envoyée était intitulée «Cascading Tears» qui est devenue «Everlasting Creed». A l’origine c’est l’ancien chanteur du groupe ,Peter Falconer, qui y chantait. Je me suis assuré de n’écouter que la version instrumentale pour être certain que, d’une façon ou une autre, je ne serais pas influencé par ce que Peter avait créé. Je me suis immergé dans leur travail pour avoir une idée de leur discographie. Au début je n’étais pas à l’aise avec l’idée que quelqu’un avait déjà travaillé sur cette pièce mais après quelques semaines j’étais confortable et prêt à avancer.
T.I. : Avec le recul que pensez-vous de cette collaboration?
J.C. : Nous avons terminé la production à la fin de l’été. Donc j’ai eu le temps de décanter. Dernièrement j’ai réécouté les trois pièces et je suis content de dire que je demeure fier de mon travail. Pour moi ça définitivement été un exercice de trouver rapidement l’inspiration et les idées en une courte période de temps avant de s’installer en studio. Cela m’a aidé à renforcer mon sens de la discipline qui peut manquer parfois lorsque tu as l’impression que tu as tout le temps que tu veux pour travailler sur la musique. Pat avait des échéances très strictes à rencontrer et je dois dire que j’aime travailler de cette façon. En plus de collaborer avec Pat, j’ai énormément travaillé avec notre ingénieur de son Steve Hill, notre illustratrice Darcy Kelly-Laviolette et Jon Huxtable de Small Fish Recordings, l’ingénieur de son responsable de nos mix. Jon a été très patient et il a travaillé avec moi sur les mixes et je lui en suis très reconnaissant. Je pense que nous avons fait 19 révisions de «Born of A Dream» et c’était la chanson la plus courte! Tous ces gens ont travaillé avec diligence pour amener «Planet Junkie» à un niveau supérieur. Depuis son lancement l’album a été bien reçu et ce autant de la part des fans que de la critique. Pour moi c’est un plaisir de lire cela. J’ai l’impression que Drifting Sun va connaître un cycle de succès.
T.I. : Qu’est-ce que vous avez le plus apprécié de cette collaboration?
J.C. : Je dirais que c’est le fait que Pat m’a donné carte blanche, une liberté artistique complète en ce qui concerne les paroles et les mélodies. Mais je pense que c’est surtout que cela m’a permis d’atteindre un de mes buts qui était que je passe l’année 2019 à travailler sur des projets musicaux toute l’année. Pour moi c’était un peu comme un acteur qui trouve sa voie sans le support d’un scénario. J’avais la structure mais j’avais besoin de construire un monde perceptible pour me permettre de créer et d’inclure des personnages pour habiter cette chanson. Pat a spécifiquement composé «Born of a Dream» en ayant ma voix en tête. Avec cette chanson j’ai adopté une approche plus sincère et j’ai écrit quelque chose qui s’approchait plus de ma vie personnelle mais que je pouvais aussi voir dans la vie des autres. Cette chanson traite des conflits qui surviennent avec le fossé générationnel dans une famille et comment un père un fils et une grand-mère peuvent réconcilier, ou non, leur rêves. «Diogenes : Part 1 of Chronicles» était une belle occasion de raconter une histoire mythologique, historique et philosophique qui est relativement linéaire dans un «paysage» progressif. Il y aura peut-être d’autres «Chronicles» dans le futur. Et puis «Everlasting Creed» qui est une très dramatique chanson de rupture avec une bonne part d’auto-dénigrement. La chanson est partiellement inspirée de la vie personnelle de Pat. C’est sa sincérité qui m’a motivé à écrire la chanson à partir de la perspective de deux amoureux gais qui sont rendus au bout de leur route commune. Chaque chanson m’a permis d’essayer quelque chose de nouveau et c’est ce que je recherche en tant que chanteur : la diversité et une occasion de développer mes aptitudes.
T.I. : Est-ce que vous avez l’impression que votre travail sur ces pièces a eu un impact sur votre écriture?
J.C. : Les chansons de HWW qui sont présentement en production sont le résultat d’une très longue phase d’incubation et d’écriture. Nous avons commencé à travailler sur celles-ci alors que nous réalisions le matériel de «From Worry To Shame». C’est à-dire entre 2015 et 2017. La musique a donc été composée bien avant que je ne collabore avec Drifting Sun. Ce qui est nouveau pour les gens ne l’est évidemment pas pour nous puisque parfois on y travaille depuis quelques années. Je pense que ce ne serait pas correct pour le groupe si je laissais mon expérience avec Drifting Sun influer sur ce que je fais avec HWW. Principalement parce que, bien que certains membres se sont impliqués dans cette aventure, ce n’était pas en terme de création. Par exemple notre bassiste Steve Hill a supervisé les séances d’enregistrement de mon chant. Il a aussi enregistré avec notre guitariste Brandon Cousino un dialogue que j’avais écrit pour «Everlasting Creed». Notre monde musical est totalement différent de celui de Drifting Sun et je sais que nous n’avons aucune intention d’incorporer leur palette musicale. Nous sommes plus intéressés à développer notre son et notre style.
T.I. : Quelle est votre perception des nouvelles pièces de HWW ?
J.C. : Je suis passé par toute une gamme d’émotions avec toutes les pièces sur lesquelles nous travaillons. Certains jours je suis en amour avec et certains jours je trouve qu’elles pourraient être mieux. A cause de tout le matériel émotionnel que nous investissons c’est un processus qui peut être lourd mais nous serions damnés si nous n’obtenions pas de résultats authentiques. Cette nouvelle mouture de pièces.. Je pense que c’est plus progressif que notre premier essai. Les chansons permettent à Brandon et Andrew de faire évoluer leur style. Naturellement le fait d’intégrer de nouveaux membres est un défi mais je pense qu’avec le nouveau matériel les gens vont découvrir une certaine continuité. Mike a adopté mon style de guitare qu’il a intégré jusqu’à un certain point mais on sent clairement la présence d’une nouvelle guitare au sein du groupe. Et pour la basse Steve a su trouver sa propre place dans le groupe et c’est essentiellement une évolution à partir de ce que Joe Elliott avait mis en place pour nous. Nous ne voulons pas ignorer ce qui nous a distingué à nos débuts mais, en même temps, nous avons toujours cherché à le développer.
T.I. : Quels sont vos plans pour le prochain album de Head With Wings?
J.C. : Après la fin de la production de la présente fournée de chansons j’aimerais travailler sur du matériel qui serait disons moins préconçu. Typiquement Brandon et moi nous nous séparons l’écriture de la guitare moitié-moitié. Nous apportons chacun des riffs ou des structures en local de répétition et les autres musiciens du groupe ajoutent leur touche. Mais étant donné que nous pouvons compter sur de talentueux musiciens, je ne suis pas opposé à l’idée de «jammer» un peu plus pour voir ce qui va en ressortir. Il se pourrait que les trois premières chansons bouclées se retrouvent sur un «E.P.» en 2020 mais je suis un peu réticent à ce qu’elles se retrouvent sur le prochain album. Je suis toujours impressionné par notre capacité à en faire tant avec la formule d’un groupe rock minimaliste. Cela devrait se poursuivre mais cela ne veut pas dire que nous ne pourrons pas à un moment donné effectuer un virage dans notre carrière.