Trustworks

The Syn a été formé à Londres en 1965 et il a cessé ses activités deux ans plus tard sans avoir réalisé aucun album. Ce nom est pourtant bien connu des amateurs de Yes parce qu’il a compté dans ses rangs le jeune Chris Squire démissionnaire de The Selfs ainsi que Peter Banks. Dans cette incarnation, The Syn délaisse les reprises de R&B et commence à écrire son propre matériel. Il connait un tel succès qu’on lui propose d’assurer la première partie de Jimi Hendrix. Lorsque le groupe se sépare, Chris Squire et Peter Banks forment Mabel Greer's Toyshop qui deviendra éventuellement, avec le recrutement de Jon Anderson, la première version de Yes. Il faudra attendre jusqu’en 2005 pour qu’un disque de The Syn soit finalement réalisé sous la direction de Steve Nardelli et Chris Squire avec de nouveaux partenaires. Intitulé «Syndestructible», ce premier album porte la marque des années 60 avec un style qui peut rappeler ce que faisait Yes à ses débuts mais aussi la période Trevor Rabin, c’est-à-dire celle où les claviers n’étaient pas dominants. On comprendra qu’après quelques concerts, Chris Squire soit retourné rapidement à ses activités Yessiennes et que dans cette formule, The Syn ne pouvait tenir longtemps. C’est alors que Steve Nardelli s’associe à Francis Dunnery (It Bites) et Tom Brislin (Renaissance, Camel, Yes) pour faire paraître «Big Sky» (2009) avec l’aide de Brett Kull et Paul Ramsey (Echolyn).
N’ayant personnellement pas été emballé outre mesure par «Syndestructible», je m’étais désintéressé de son auteur jusqu’à cette nouvelle parution réalisée en collaboration avec un des groupes suédois les plus talentueux et originaux de ces dernières années. Pour cette dernière livraison intitulée «Trustworks», Nardelli a recruté rien de moins que le groupe Moon Safari avec qui il a co-signé les neuf compositions. On retrouve également Jonas Reingold qui a ajouté des parties de guitare, de basse et de claviers en plus de se charger du mixage de l’album. Dans de telles conditions, j’ai eu le réflexe de penser que «Trustworks» était plus ou moins un nouveau disque de Moon Safari. Ma première impression a donc été décevante même si la solennelle pièce titre qui ouvre l’album ne manque pas de panache avec une saveur symphonique exacerbée. D’ailleurs, l’ensemble de l’œuvre tient plutôt bien la route d’autant plus que la voix parfois un peu morne de Nardelli gagne beaucoup à être accompagnée des chœurs lumineux de Moon Safari. La plus joyeuse «Revolution» Now, par exemple, fait penser au folk-prog de Yes de la période «The Yes Album» alors que «This World Of Ours» contient des harmonies vocales caractéristiques de Moon Safari. Sur «Something That I Said», les suédois assurent des parties vocales autonomes avec le plus grand bonheur et ils se taillent la part du lion sur la très belle «Lucifer Hesitating» qu’on aurait facilement pu retrouver sur un de leurs albums. Avec son beat up tempo et son explosion d’orgue Hammond, «The Wheel» nous ramène au vieux Yes de l’époque Tony Kaye alors que sur «Never Too Late», une gâterie country comme en sont capables les anglais, Nardelli nous refait le coup du chant à la Bob Dylan comme sur «Golden Age» de «Syndestructible». Jusque-là, la durée des compositions tournait autour des cinq minutes mais la dernière pièce, «Seventh Day Of Seven», atteint les quinze minutes avec des développements instrumentaux où les claviers s’émancipent du rôle de soutien constaté jusque-là. Les harmonies vocales sont étourdissantes surtout lorsqu’elles s’aventurent dans des chœurs façon gospel et les solos de guitares sont nombreux et inspirés.
Au final, «Trustworks» s’avère beaucoup plus satisfaisant que ce que suggérait une première écoute. Il était bien sûr un peu fou d’espérer un disque ressemblant en tous points à Moon Safari parce que dans ce cas, il n’aurait pas paru sous le nom de The Syn. Cependant, le groupe suédois a bien imprimé sa marque sur cette incarnation de The Syn qui n’a pas été dénaturé pour autant même si la finale de «Seventh Day Of Seven» et surtout «Lucifer Hesitating» sont du pur Moon Safari. Voilà un disque savoureux qui devrait satisfaire les fans des deux formations et même davantage.