Novum

Je n'avais pas écouté un nouvel album de PROCOL HARUM depuis Exotic Birds and Fruits (1974) !... Le groupe ayant conservé son aura mythique au fil des décennies, la parution d'un nouveau disque a piqué assez vivement ma curiosité, mais sans que j'aie des attentes précises pour autant. Quiconque est déjà familier avec PROCOL HARUM ne sera pas surpris que Novum (55 min 59 sec) soit chanté de A à Z et que les textes soient denses et expansifs, Gary Brooker n'ayant jamais été avare de paroles à la fois directes et bien tournées – que ces paroles soient les siennes, celles de Keith Reid (à l'époque) ou maintenant du poète Pete Brown (CREAM, Jack BRUCE, Robin TROWER, etc.). Le maître de cérémonie (chant, piano) est entouré de musiciens aguerris : Geoff Whitehorn aux guitares (Kevin AYERS, BAD COMPANY, Roger WATERS, etc.), Josh Phillips à l'orgue Hammond et échantillonnage (THE WHO, Eric CLAPTON, Paul McCARTNEY, etc.), Matt Pegg à la basse (JETHRO TULL, FAIRPORT CONVENTION) et Geoff Dunn à la batterie (MANFRED MANN'S EARTH BAND, Van MORRISON, Jimmy PAGE). On conviendra que, dans l'ensemble, les feuilles de route de tout ce beau monde sont souvent éloignées du rock progressif en tant que tel... mais donnons la chance au coureur.
À plus de 70 ans, Brooker n'atteint plus les notes aiguës ; le souffle est plus court, mais l'entrain et la chaleur de sa voix restent puissants, passionnés et même charmeurs. Au contraire des vieux albums du groupe, le piano et la guitare ont ravi la place de l'orgue pour emballer ce sympathique recueil de ballades rock (« Neighbour » 2:45, « Businessman » 4:46), soft rock/pop (« Last Chance Motel » 4:52, « Soldier » 5:27, « Don't Get Caught » 5:11, « Sunday Morning » 5:28, « The Only One » 6:05, « Somewhen » 3:47), blues/rock (« Image of the Beast » 4:55, « Can't Say That » 7:11), voire rythm'n blues (« I Told on You » 5:32), avec ici et là des parfums de country, de folk et de musique classique.
Alors, où donc se niche le prog là-dedans ? La fusion à la limite même de tous ces genres a toujours été le creuset d'où émanait la magie de PROCOL HARUM. Et, cette fois encore, même si Novum semble un album oublié des années 1970 (malgré l'excellence de la production),
il y a un plaisir palpable – et probablement un brin de nostalgie – à écouter ce disque. Tout simplement parce que personne dans l'univers du prog n'enregistre un tel amalgame flirtant si ouvertement avec le palmarès... tout en étant conscient en même temps qu'il ne fera jamais son entrée dans le palmarès. C'est peut-être insuffisant pour faire de Novum un album de pur prog, mais suffisant en tout cas pour saluer la fidélité à soi-même de PROCOL HARUM.
L'illustration de Julia Brown en couverture de Novum affiche une parenté évidente avec le dessin de Dickinson pour la pochette du LP éponyme du groupe en 1967. Une façon de boucler la boucle de 50 ans de carrière avec une élégante discrétion.
Liste des pièces
1. I Told On You (5:32)
2. Last Chance Motel (4:52)
3. Image Of The Beast (4:55)
4. Soldier (5:27)
5. Don't Get Caught (5:11)
6. Neighbour (2:45)
7. Sunday Morning (5:28)
8. Businessman (4:46)
9. Can't Say That (7:11)
10. The Only One (6:05)
11. Somewhen (3:47)