Il Giusto Equilibrio

À l'écoute d'un disque de PANTHER & C. – et pas seulement la première fois –, des noms viennent à l'esprit, dont GENESIS, JETHRO TULL, CAMEL, LE ORME, PFM. Pourtant, il n'y pas de clins d'œil manifestes à l'un ou l'autre de ces groupes, ni même une quelconque influence directe. En fait, le trait commun le plus patent, c'est que Serpe est un chanteur théâtral et un flûtiste comme Gabriel et Anderson ; néanmoins, c'est une fausse piste, car ni sa voix, ni son jeu ne leur ressemblent. Alors, c'est quoi ? Je dirais que c'est un « air de famille ». PANTHER & C. a assimilé une bonne dose de prog britannique et italien des années 1970 et ce qu'il crée – sans être rétro – s'inscrit dans le style de rock progressif symphonique dont l'origine remonte aux groupes cités plus haut, mais qui est tout aussi original et contemporain que celui de compatriotes comme, entre autres, CELLAR NOISE, ISPROJECT, MARCHESI SCARMORZA ou UNREAL CITY. Cela dit, PANTHER & C. – Alessandro La Corte (claviers), Riccardo Mazzarini (guitare), Mauro Serpe (chant, flûte), Giorgio Boleto (basse) et Folco Fedele (batterie) qui remplace R. Sanna – a vu le jour à Gênes en 2003 et lancé son premier opus, L'Epoca di un Altro... en 2015. Il Giusto Equilibrio présente cinq pièces, d'une durée totale de 47 min 42 sec, soit 10 min de plus que le premier album. « ...E continue ad essere... » (4:27) – Brève intro de claviers en mode presto avec résonnances de clavecin, puis la voix et la batterie et la basse entrent en scène avec trépidation tandis que les claviers entament une chevauchée effrénée. Rupture brusque s'ouvrant sur un tempo lent sur lequel coulent des claviers liquides, puis la flûte entonne sa plainte. Une mélodie pastorale au piano et à la guitare amorce la finale, planante et traversée d'éclats quasi dissonants. Au total, la partie chantée étant très courte, cette pièce très vive est plus instrumentale que vocale. « Giusto equilibrio » (13:32) – Intro rythmée aux claviers et à la flûte sur un fond où la guitare décline un « soft jazz » à la ECM, jusqu'à ce que la batterie et la basse apportent du muscle et le tout bascule dans le jazz rock/fusion. Rupture introduisant une phase lente, une ambiance hors du temps dans laquelle se glisse la voix (théâtrale). Nouvelle rupture et accélération du rythme, la voix revient, un peu moins alanguie, sur un fond un peu éclectique et acoustique. Nouveau passage vif martelé par la batterie, puis les claviers virevoltent et la voix suit le rythme. Rupture, puis délicieux passage mélancolique au piano qui fait le pont avec un nouveau paysage qui défile à toute vitesse avec claviers, piano et flûte, jusqu'au retour de la basse et de la batterie. Rupture et, de nouveau, l'ambiance intemporelle préparant le terrain pour la voix et la guitare qui égrène des notes. Changement de cap fondu et c'est la superbe finale à la guitare très « heavy blues rock ». « Oric » (4:33) – Intro en douceur, puis le chant, chargé d'émotion, tandis que des arpèges à la Anthony Phillips font des ronds dans l'eau. Basse et claviers grondent à l'horizon, puis la flûte prend son envol, mais sous « un ciel si gris qu'il faut lui pardonner » comme le chantait Brel... « Fuga dal lago » (11:29) – Ouverture avec glas léger et flûte aérienne sur fond de claviers, puis basse et batterie entament un rythme sautillant sur lequel claviers et guitare brodent des motifs en à-plat. Rupture fondue à 3 minutes, la flûte reprend la tête (air pastoral au trot), puis les claviers la détrônent tandis que le rythme s'accélère (petit galop). À la 6e minute, la trame devient plus dense, sombre, mais aussi plus solennelle, toujours sous la direction des claviers. La guitare s'embrase, torturée, psychédélique à souhait, tandis que, toujours solennel, le panorama s'élargit, puis s'étiole en un lointain carillon embrumé d'où montent des accords de guitare et de basse qui haussent la pièce à un niveau supérieur. En finale, la musique est plus texturée et lumineuse, d'une riche rondeur classique, mais ponctuée d'un surprenant clin d'œil amusé. Seul instrumental de l'album, ce morceau est aussi splendide que la chanson-titre.
« L'occhio del gabbiano » (13:41) – Intro à la guitare – résonnance un brin orientale – savante et éthérée avec contrepoint de claviers lourds qui entrouvrent ensuite la porte sur un univers autre, à la fois délicat et grave. La voix entre à la 2e minute sur une musique de fond qui bruisse, chatoie, s'étale jusqu'à occuper tout l'espace sonore vers la 4e minute. Les claviers mènent sur une solide base (efficace et discrète) basse/batterie, jusqu'au bref retour du chant. Puis l'assaut de vagues de claviers et de guitare se déploie en majesté un peu stridente jusqu'à marée basse, mais frétillant néanmoins d'éclats lumineux, ce qui introduit de nouveau la voix. Ensuite s'amorce la longue finale où claviers et guitare spiralent les uns avec les autres autour de l'axe basse-batterie : sommets, plateaux, nouvelles ascensions, nouvelles descentes se succèdent en variant les rythmes jusqu'à ce que le chanteur ait le dernier mot.
Il Giusto Equilibrio ne fera pas basculer votre conception du RPI car, comme son titre l'indique, ce n'est pas le but de l'affaire. Mes seules réserves s'appliquent au chanteur, qui aurait grand intérêt à travailler sa voix, et à la pochette, qui est assez moche (le livret, illustré de dessins enfantins, est plus réussi). Cela dit, PANTHER & C., groupe relativement nouveau – mais composé de musiciens aguerris –, démontre que le prog symphonique à l'italienne peut avoir autant de facettes brillantes qu'il y a de musiciens créatifs prêts à s'y consacrer.
Liste des pièces
1. E continua ad essere... (4:27)
2. Giusto equilibrio (13:32)
3. Oric (4:33)
4. Fuga dal lago (11:29)
5. L'occhio del gabbiano (13:40)