Gleb Kolyadin

Gleb Kolyadin est la moitié masculine du groupe russe IAMTHEMORNING. Pour ce premier album solo sous son nom (il en a enregistré déjà sous POLONIUMCUBES), le pianiste a pour complices le bassiste Nick Beggs (THE MUTE GODS), le batteur Gavin Harrison (KING CRIMSON), le flûtiste et saxophoniste Theo Travis (PORCUPINE TREE), le guitariste Vlad Avy et le percussionniste Evan Carson (tous deux sur le dernier album de IAMTHEMORNING), mais aussi des invités : Steve Hogarth (MARILLION), Mick Moss (ANTIMATTER) et Jordan Rudess (DREAM THEATER). Quoique certains de ces musiciens aient de fortes personnalités, c'est Kolyadin qui pilote : le piano à queue est son instrument de choix (appuyé par d'autres claviers à l'occasion). L'album (56 min) propose 13 morceaux, soit 10 instrumentaux et trois chansons (une de Moss et deux de Hogarth).

L'album est aux antipodes du rock progressif de chambre que Kolyadin crée avec sa partenaire Marjana Semkina. Bien sûr, Kolyadin étant un pianiste virtuose issu du Conservatoire de Saint-Pétersbourg, les motifs de musique classique sont inévitables (« White Dawn » 2:31, « Constellation / The Bell » 3:16, « Echo / Sigh / Strand » 2:26), mais ses compositions abordent aussi d'autres rivages. Ainsi, il y a du jazz prog étincelant (« Insight » 4:12, « Kaleidoscope » 5:50, « The Room » 4:13, « Penrose Stairs » 5:01, « Storyteller » 3:19) et du ragtime romantique qui flirte avec du lounge (« Eidolon » 2:10, « Into the Void » 1:45). Parmi les chansons, « Astral Architecture » (6:30) est la plus articulée, la plus touchante, avec de beaux élans mélodieux en majesté et l'excellente voix de Moss. « Confluence » (10:24) est la pièce la plus longue de l'album : sur un accompagnement de piano limpide, fluide, Hogarth récite les paroles comme pour lui-même, puis on est vite emporté par le courant multiple, tantôt sombre et mystérieux, tantôt vif, jazzé, quasi dansant. Les paroles de « The Best of Days » (3:24) sont plus élaborées et Hogarth les chante avec une présence affirmée, Kolyadin et l'orchestre étant plus des accompagnateurs. Je ne me risquerai pas à classer la musique de Kolyadin dans un sous-genre ou un autre... parce que, au fond, c'est tout à fait secondaire : l'album est magnifique. L'architecture des pièces est d'une finesse rare, de même que leur enchaînement. Les textures sont bigarrées, subtiles, élégantes, alternant des passages délicats et d'autres, d'une fougue époustouflante. Beggs et Harrison sont impeccables tout au long, Avy et Carson sont aussi discrets qu'efficaces et Travis brille particulièrement dans « Kaleidoscope » et « Storyteller ». Production exemplaire de A à Z, livret inclus.