Courting The Widow

Nad Sylvan est apparu dans le paysage médiatique en 2008 avec un disque du duo Unifaun dans lequel on retrouve des sonorités fortement inspirées des œuvres de Genesis. La voix de Sylvan se situant entre celles de Peter Gabriel et de Phil Collins, il est d’autant plus facile de faire le lien entre les deux formations. Le chanteur multi-instrumentiste n’a pas chômé depuis puisqu’il a rapidement été recruté par Roine Stolt pour former Agents of Mercy avec qui il a réalisé trois CD entre 2009 et 2011. La troupe avait d’ailleurs fait partie de la programmation 2011 du Festival Terra Incognita. Lorsque Stolt a remis Flower Kings sur les rails, Sylvan n’a pas été pris au dépourvu puisque qu’il a rejoint Steve Hackett pour le projet Genesis Revisited II. Avec un tel timbre de voix, il devenait un choix judicieux pour l’incroyable tournée qui a duré près de trois ans et qui a donné lieu à la parution de deux coffrets CD et DVD. La visibilité obtenue de ces dernières expériences a convaincu InsideOut de miser sur l’artiste en le soutenant dans son projet d’album. Elle lui a aussi donné la chance de s’entourer de la crème des musiciens de la scène progressive actuelle qui sont devenus ses amis au fil des ans. Parmi les plus prestigieux, on retrouve bien sûr Steve Hackett sur quelques titres, Roine Stolt, Nick Beggs, Jonas Reingold, Nick D'Virgilio, Gary O'Toole, Doane Perry et Rob Townsend. Malgré cette prestigieuse brochette de collaborateurs, Sylvan ne s’est pas contenté de chanter. En plus d’être responsable de tous les textes et musiques, des orchestrations, des arrangements et de la réalisation, le maitre d’œuvre joue des guitares acoustiques et électriques et de nombreux claviers. «Courting The Widow», le troisième album de Nad Sylvan sous son nom après «The Life Of A Housewife» en 1997 et «Sylvanite» en 2003, est un album concept sur une histoire de vampire qui voyage sur un bateau dans le but de rentrer chez lui et de courtiser une veuve. Bien que l’album s’accompagne d’un luxueux livret abondamment illustré, peut-on dire que le ramage se rapporte au plumage?
À première vue, oui. Composé de 8 pièces qui totalisent 70 minutes, l’œuvre est dans la pure tradition d’un progressif seventies symphonique, complexe et ambitieux avec une belle constance qualitative sur la durée, ce qui n’exclut pas des moments plus forts comme la délicieuse «Echoes Of Ekwabet» mélancolique à souhait avec une introduction au mellotron et une partie de flute de Rob Townsend, un discret musicien dont les interventions sont toujours pertinentes. Et que dire de la finale où intervient un solo de guitare bien senti et digne d’un grand guitariste. Et pourtant, selon les crédits de ce titre, la guitare électrique est jouée par Sylvan lui-même bien qu’elle sonne à s’y méprendre comme du Steve Hackett. La pièce d’introduction, «Carry Me Home» et son tempo moyen est une belle gâterie, également. La basse de Nick Beggs, toujours efficace et facilement reconnaissable, les nappes de mellotron, le solo de Steve Hackett et le chant de Sylvan forment un tout hautement attractif. La pièce titre qui suit ne manque pas de charme non plus avec des ingrédients similaires utilisés avec des nuances raffinées. Les jeux de voix sont ici très développés. Placé en milieu de parcours, l’épique «To Turn The Other Side» et ses 22 minutes, débute sur des notes de piano électrique. Sylvan exploite ici une grande quantité de claviers qui sont d’ailleurs à l’honneur sur l’ensemble du disque. On passe rapidement d’une ambiance un peu sinistre à un rythme plutôt léger. C’est une pièce assez étrange qui demande quelques écoutes pour commencer à saisir la démarche de l’auteur. On retrouve, dans le dernier quart, un beau passage instrumental qui donne lieu à des échanges entre les différents claviers. L’utilisation d’un violon sur «The Killing Of The Calm» et du saxophone sur «Long Slow Crash Landing» contribuent à varier les ambiances et à tenir l’intérêt de l’auditeur. Captivant sur sa longueur, «Courting The Widow» est assurément une réussite qui nous fait réaliser le plein potentiel de Nad Sylvan qui est beaucoup plus qu’un simple interprète, aussi bon soit-il à ce poste.
La maitrise instrumentale et vocale est sans reproche bien qu’avec une équipe pareille, on ne s’en surprendra guère. Quant à l’évidente référence à Genesis, je ne vois pas trop qui pourrait s’en formaliser quand le résultat est de ce calibre. Et maintenant, a-t-on besoin de répondre à la question posée plus tôt?