Agusa

Fondé en 2013, AGUSA, c’est aujourd’hui Jonas Berge (orgue), Tobias Petterson (basse), Jenny Puertas (flûte), Tim Wallander (batterie, percussions) et Mikael Ödesjö (guitare) et cet album éponyme est leur troisième opus studio. Avec 5 morceaux durant 43 min 44 sec, Agusa est court selon les standards actuels, mais un peu plus long que les deux albums qui l’ont précédé!...
Pour moi, c’est un album concept, même si Agusa est un pur instrumental et que j’ignore ce que signifient les titres, parce qu’il recèle un puissant courant conducteur et, donc, une foule de motifs musicaux apparentés et récurrents. Ce courant jaillit d’une source celtique aussi vive, fraîche et ensorcelante que celle qui alimente depuis des générations les reels traditionnels de nos propres violoneux… à ceci près que, dans Agusa, la flûte de Jenny Puertas tient le rôle de l’archet dans les airs endiablés. Pour autant, AGUSA n’est pas un groupe folklorique: sa musique combine rock psychédélique, rock planant, prog heavy et prog folk… sans compter quelques inévitables états d’âme ténébreux à la scandinave.
«Landet Längesen» (10:30) – Intro en majesté, puis rupture avec guitare et tambour de marche, jusqu’au premier motif celtique: grâce lente et joyeuse comme les préliminaires d’une danse ou d’une fête de village. Nouvelle rupture avec guitare réverbérée à la Harvey Mandel, tandis que flûte et orgue tissent un nouveau motif. Le rythme s’accélère et la guitare, toujours psychédélique, joue au chat et à la souris avec la flûte, jusqu’à ce que l’orgue revienne en spirales et exacerbe le tempo. Reprise du premier motif, décomposé, ralenti, accéléré avec la guitare au son plus sale, heavy et strident. Comme entrée en matière, on ne fait pas mieux!... «Sorgenfri» (5:00) – Intro en douceur à la guitare, puis duo avec flûte. Le motif se révèle plus celtique avec l’ensemble du groupe. Tempo allegro ma non troppo avec voltiges à la flûte soutenus par l’orgue. Air très entraînant qui gagne graduellement en vivacité pour le duo guitare/orgue: envol en vitesse, mélodie intacte malgré les traînées incendiaires de la guitare. Des comme ça, j’en prendrais à la pelletée!... «Den förtrollade skogen» (8:34) – Paysage nordique: mer et naïades tapies dans les récifs, ou forêt dont les dryades batifolent à la tombée du jour. Atmosphère un peu sombre, mais percée par quelques lueurs qu’avive délicatement la flûte, puis le conte éclate au grand jour: nouveau motif celtique au tempo de marche lente. À mi-chemin, guitare funky en distorsion sur fond du motif celtique considérablement ralenti. En finale, le motif est repris par tout le groupe qui l’accélère. Démonstration parfaite de ce que le groupe norvégien KERRS PINK appelait l’Art de la simplicité complexe… «Sagor från Saaris» (9:21) – Au début, on se croirait dans un western avec chevaux et chariots, puis la flûte joue le motif celtique principal – apparentés à ceux des deux premiers morceaux –, et l’enjolive de nombreuses envolées. Rupture, bref tempo ralenti, puis reprise plus stridente du motif avec variations psychédéliques à l’orgue jusqu’à ce que la guitare pousse le motif dans ses derniers retranchements en haussant le ton. En fond, toujours, la reprise du motif de base par l’un ou l’autre instrument. Grand vol plané à mi-chemin: tout s’apaise, devient minimaliste, flirtant avec un jazz très épuré, structuré par le duo basse/batterie, jusqu’à ce qu’on vire dans le psychédélique heavy, dense. Au-dessus, la flûte scande le motif en le décomposant à l’extrême, tandis que le groupe frôle maintenant la dissonance jusqu’en finale. Un morceau d’une telle intelligence qui ne sacrifie pas la sensibilité en chemin, c’est rare… «Bortom hemom» (10:19) – Respiration à l’orgue, échos oniriques, mélodie qui s’élabore peu à peu jusqu’à ce que la guitare torturée entre en scène, puis la batterie, puis le reste du groupe sans la flûte. Rythme de ballade (impression de trame sonore), variations à l’orgue qui accélèrent le tempo en jouant à l’unisson avec la guitare. De nouveau le rock prog planant en grandes nappes piquées d’éclats vifs, aigus, qui haussent le rythme jusqu’à une fausse pause à mi-chemin qui n’est que l’occasion d’accentuer plus encore la cadence, sur laquelle la flûte se met à exécuter une danse sautillante. Le motif celtique s’affirme plus et ressemble à la fête de village du premier morceau, mais en y ajoutant des voltiges psychédéliques à la guitare.
Maintenant, l’aveu: ayant toujours eu un faible pour les albums instrumentaux et mes ancêtres étant gaéliques en ligne directe (depuis les confins les plus nordiques des Highlands, là où les couleurs des clans sont si foncées que les tartans sont presque noirs), il est vrai que, d’entrée de jeu, Agusa avait tout pour m’enchanter… et je souhaite qu’il aura le même effet sur vous: c’est une musique qui réchauffe le cœur.