Aujourd’hui, MOSTLY AUTUMN, c’est Bryan Josh (composition, chant, guitares, claviers), Olivia Sparnenn-Josh (chant, claviers, tambourin, composition), Iain Jennings (claviers, orgue Hammond, composition), Andy Smith (basse), Alex Cromarty (batterie, percussions), Chris Johnson (chant, guitares, claviers, tambourin, composition) et Angela Gordon (flûte traversière, flûtiau, flûtes à bec, voix), avec Troy Donockley (cornemuse irlandaise, flûtiaux) et Anna Phoebe (violons) comme invités.
Les 10 morceaux de Sight of Day (73 min 38 sec) comptent les pièces épiques que sont la chanson titre et «Native Spirit», sept autres durent 5 à 8 minutes et la plus courte est «The Man Without a Name» (3:50). Toutes – la dernière ne faisant pas exception malgré sa brièveté – ont assez d’amplitude pour que chacune puisse se développer à l’aise. Sight of Day suit les traces de Dressed in Voices (2014) sauf que, ici, l’aspect lumineux succède au côté sombre du disque précédent et, surtout, la musicalité et la cohésion du groupe atteignent un niveau nettement supérieur. Plusieurs éléments assurent l’excellence de l’album. D’abord, la voix de Sparnenn ayant registre étendu et puissance rare, sa maîtrise vocale est phénoménale: même dans les passages les plus aigus, elle ne crie, ni ne force sa voix, sachant toujours moduler sans jamais sacrifier l’intelligibilité des paroles. Qu’elle chante seule ou en duo (avec son mari ou Johnson), elle exprime une sensibilité qui n’est pas feinte. Ensuite, il y a le talent de parolier de Josh: il est lyrique comme jamais, d’une poésie à la fois simple, inspirée et émerveillée. Et il y a aussi son talent de compositeur; il ne réinvente pas le son de groupe, mais il l’asseoit sur des bases si solides qu’il peut en exploiter à fond des facettes restées en coulisses jusqu’ici. À cet effet, on peut questionner l’étiquette «prog folk» appliquée à MOSTLY AUTUMN: Sight of Day est plutôt un grand crû de rock progressif mélodique, symphonique. En outre, la guitare de Josh est tout simplement époustouflante: que l’instrument soit acoustique ou électrique, il en joue avec une énergie, une passion et un art admirable… qui font de lui l’héritier de David Gilmour le plus doué et le plus créatif. Aux claviers, Jennings est un pilier de la formation: ici il tisse la trame sur laquelle les autres instruments et les voix se déploient, là il introduit tantôt en puissance, tantôt en douceur, ou il clôt le morceau en murmure ou en majesté et, ailleurs, ses claviers s’envolent, planent et virevoltent avec les cordes et les vents.
Tout au long de l’album, la guitare de Johnson (qui, aussi, signe «Changing Lives») illustre combien son retour dans le groupe est bénéfique: il pave la voie ou épaule sans faillir tous les solos de Josh. Sans tenir la vedette, les diverses flûtes de Gordon sont omniprésentes; selon les morceaux, elles lissent la mélodie – quoiqu’il n’y ait pas d’angles à arrondir dans la musique du groupe – ou elles l’accentuent avec une vigueur déterminante. Pour leur part, Smith et Cromarty assurent avec rigueur et (encore) puissance les structures rythmiques très diverses que les autres musiciens se chargent d’habiller sans craindre que le résultat soit fagoté. La qualité de l’album réside beaucoup dans les menus détails et, pourtant, le résultat final brille plus que la somme de ses parties. Cela étant, je ne peux désigner des chansons supérieures à d’autres, mais seulement indiquer mes préférées. «Sight of Day» (14:33): les paroles, la voix divine et contagieuse de Sparnenn (ce qui, en fait, vaut pour tout le disque), l’architecture tout à fait séduisante de la chanson qui superpose des mélodies toutes plus accrocheuses les unes que les autres, le solo écorché de Josh puis, dans le dernier tiers, son solo en slow blues. «Once Around the Sun» (5:08): la voix et les mots de Josh, cri du cœur en forme de farandole scandée sur fond de guitares qui rappellent les beaux jours du rock psychédélique.
«Hammerdown» (6:06): l’envol des voix en duo à compter de la deuxième minute et le lent crescendo qui introduit le solo déchirant de Josh (très en accord avec les paroles chantées avec son épouse). «Changing Lives» (6:17): parfaitement intégrée au son du groupe, la chanson de Johnson se démarque néanmoins par son tempo particulier, sa voix même (y inclus son duo avec Sparnenn), le solo de Josh et le chœur final. «Only the Brave» (5:36): (faux) air folk et rythme de locomotive rock lancée à fond, sans temps mort. «Native Spirit» (10:27): hommage aux Premières Nations et hymne à la vaste nature sauvage du Canada, la pièce exhale un souffle mélodique d’une intensité aussi rock que symphonique. «Tomorrow Dies» (7:21): les vastes paysages un peu sombres de Jennings qui ouvrent la pièce jusqu’à ce que Smith et Cromarty écartent la menace pour l’entrée de Sparnenn (encore une fois, magnifique, en dépit de la gravité du sujet) et, plus tard, le court intermède au piano avant que Sparnenn ne vise les étoiles à nouveau. Dans «Rain Down» (8:02), le violon de Phoebe brille plus que dans «Only the Brave» et, comme dans «The Man Without a Name», la voix de Sparnenn est d’une pureté intime très touchante, à mi-chemin entre ballade lente, complainte déchirante et berceuse pour adulte… et la finale est à la fois grandiose et tragique. Peut-être la pièce la plus classiquement MOSTLY AUTUMN de l’album, «Forever and Beyond» (6:18) contient des accents résolument celtiques sur un texte très lyrique de Josh et aussi une énergie sous-jacente qui n’a rien d’éthérée quand Smith, Cromarty et Josh entonnent la finale comme un hymne grandiose, jusqu’à ce que la voix de Sparnenn s’élève, bientôt rejointe par celle de son mari.
Bref, Sight of Day, c’est le meilleur de MOSTLY AUTUMN.